Viva Technology 2018 a prouvé que les organisations étaient en train d’opérer leurs mues digitales. L’Oréal ou encore LVMH n’étaient plus seulement en train d’explorer leurs transformations mais bien des firmes en train de déployer de nouveaux business models ainsi que des visions culturelles marquées. Tant LVMH que L’Oréal prouvent que leurs industries doivent se concentrer sur un certain passage de bâton.
Le digital devrait développer l’artisanat traditionnel
Connecter la France rurale aux derniers équilibres technologiques est une chimie subtile : le secteur industriel français est d’ailleurs en train de connaître sur les 3 derniers mois de 2017 une vague de création nette d’emplois, la première depuis 2001 (Insee).
Des maisons comme Hermès investissent énormément dans ces usines; les analystes autour de la disruption digitale oublient souvent l’importance des compétences clés, qui font qu’un business non seulement survit mais croît. Un fait contre-intuitif est que la part du e-commerce pour les “luxury goods” ne représentait que 9% en 2017. Une part évidemment en forte croissance mais qui ne devrait cependant pas faire oublier que le luxe est d’abord un business de savoir-faire, une affaire de transmission, qui se concentre sur le beau.
L’artisanat ne sépare plus “digital” vs non-digital
L’Oréal faisait la démonstration d’une solution fascinante pour quiconque travailler sur le développement de nouveaux produits. Le groupe a internalisé des imprimantes 3D qui permettent à tous les départements d’accélérer les stratégies de “go-to-market”. En résumé, L’Oréal peut désormais imprimer des éléments en plastique qui permettent de mieux tester le “look & feel” du prochain produit ou packaging. Une façon très rusée de réduire le nombre d’intermédiaires, de raccourcir la chaîne de décision en cassant les silos, tout en permettant aux designers de se concentrer sur…le design.
Une autre manifestation tangible de cette mutation pouvait être repérée chez LVMH. SGNL développe une sorte de “smartwatch” qui utilise le corps comme unité de transmission d’appels téléphoniques; en pressant le lobe de l’oreille avec l’index, le corps humain joue le rôle de haut parleur. Une expérience impressionnante qui démontre que le design du quotidien peut générer des changements profonds en termes de communication ou de quantify-self. Un objet qui nous invite à repenser nos composants naturels : notre corps.
Expérience et achat (ou propriété) ne sont pas des ennemis. La conscience peut lier les deux.
En 2015, une étude d’Harris Group très reprise dans les médias déclaraient que 78% des ‘millennials’ préfèrent dépenser pour des expériences plutôt que de possèder des biens. Mais paradoxalement, toutes les dernières études expliquent que des marques comme Cartier ou Tiffany & Co sont hyper populaires chez les plus jeunes. Encore plus intrigant : De Beers a constaté un accroissement de la popularité des diamands (une demande qui dépasse les 40 milliards de dollars pour la première fois aux Etats-Unis). Les produits de luxe ne sont en fait pas en compétition avec les services per se. Les clients achètent des produits de luxe en conscience :
- la réalisation du travail requis pour créer de la joaillerie
- la prise de conscience du parcours que les matières premières doivent prendre jusqu’aux produits finaux
- le sens d’un objet de luxe ou son but
Même les parfums essaient de mélanger expérience et “propriété” : une entreprise comme Paperscent essaie de proposer un carnet de touches digitalisé, connecté, qui essaie de rendre le parcours de découverte d’un parfum en véritable action divertissante et surprenante pour le client. On est loin du testeur bien fade…
Passer le bâton est donc une obsession digitale pour les marques de luxe; il peut s’agir de faire passer une certaine idée de l’artisanat (et donc d’investir pour lui), d’ouvrir de nouvelles manières de développer un produit (charger les produits avec une certaine pertinenence culturelle). Ou de façon cynique, de déjà planifier le jour où les clients actuels mourront et que leurs héritiers auront le loisir d’apprécier – ou non – les biens laissés par les défunts.