Retour sur les Assises du livre en français organisées au sein du festival Etonnants Voyageurs du 19 au 21 mai, suite à l’annonce, par le Président de la République française de la mise en place d’un Conseil du livre en français d’ici le mois de septembre. Après la tribune proposée par le chercheur Raphaël Thierry, Africultures publie ce compte-rendu de ce rendez-vous littéraire écrit par les fondateurs de la maison d’édition La Kora[1], présente à Saint-Malo pour l’événement
Cela fait plus de dix ans. En mars 2007, emmenés par Michel Le Bris et Jean Rouaud, 44 écrivains signaient une tribune dans les colonnes du journal Le Monde qui allait faire grand bruit : « Pour une littérature-monde en français ». Fins observateurs de la machine éditoriale française, ils dénonçaient la centralité de l’édition parisienne dont la position quasi hégémonique dessinerait un portrait impérialiste, et même colonial, de la production de livres en français. C’est toute une vision de la francophonie qui était alors détricotée en faveur du décentrement de la langue française et de la transversalité des échanges entre les acteurs du monde du livre francophone.
Aujourd’hui, c’est autour de la vision des signataires de ce manifeste que se noue l’avenir des décisions relatives à la francophonie. Une nouvelle impulsion politique en France a inscrit la langue française à l’agenda public. A l’issue d’une concertation internationale pilotée par l’Institut Français, le Président de la République française a annoncé un plan pour la langue française et le plurilinguisme dont le lexique et les orientations majeures sont directement empruntés au manifeste de la décennie passée. A cette occasion le festival Etonnants Voyageurs, créé par Michel Le Bris, fut désigné pour accueillir les premières assises du livre en français. Tout autant symbolique que performative, cette rencontre organisée dans la hâte fut le prélude à un vaste chantier désigné sous le nom des « Etats généraux du livre en français ».
Si les discussions n’ont pas brossé un portrait moins sombre de la situation du livre dans l’espace francophone, elles manifestent pour le moins des volontés nouvelles qui dégagent des horizons plus clairs. Cependant, du fait peut-être des habitudes prises au long de ces dix années de promotion d’un discours récemment institutionnalisé, les positions des acteurs du livre francophone – et davantage encore les propositions – semblent devoir s’adapter à une logique tournée vers la prise de décision. Maintenant qu’un calendrier, des axes de travail et une instance officielle ont été désignés par le Ministère de la Culture, que peut-on attendre des Etats Généraux du livre en français ?
Centre, marges, espace-monde… quelle communauté francophone ?
L’espace francophone ne comporte a priori rien de ce qui forge une communauté. Listons : discontinuité territoriale, diversité de régimes politiques, trajectoires historiques et économiques nettement différenciées, multiplicité des langues et des religions, multitude de lois et d’habitudes concernant le mariage et la famille… Et si l’histoire a pu être commune, nous la savons traumatique. N’est-ce pas d’ailleurs le sens de cette hésitation à utiliser le mot même de francophonie, cette gêne parfois, cette colère aussi, non moins légitime que stérile dans sa plus récente expression (voir la tribune d’Alain Mabanckou).
Et pourtant. Comme tous les vents qui traversent cet espace, refluant du même rythme que les mers nombreuses qu’elle enjambe, l’idée de communauté revient toujours sur les rives de la francophonie. A Saint-Malo la question fut même la première à être posée, à se glisser plutôt, dans une réflexion liminaire sur la liberté de création. En tout et pour tout, l’usage de la langue française semble justifier à lui seul cette interrogation – dire si l’idée de communauté francophone évolue sur une crête étroite. Pour qu’une communauté francophone cristallise, c’est bel et bien la question de l’usage, de l’aspect et du droit d’amendement de la langue française qui est en jeu. Le point de crispation de cette communauté pour le moment imaginée réside dans la capacité des acteurs du livre, puisque c’est à eux qu’une large part de l’ambition pour le français est dévolue, à porter une approche de la langue française capable de fédérer les cultures disparates qui s’expriment à travers elle. Il ne s’agit pas tant de donner des règles communes à tous les locuteurs francophones qu’à ouvrir la langue française à toutes les influences qu’elle parcourt et dont elle s’imprègne en affleurant tous les jours sur cinq continents différents. Cette orientation fut défendue lors des assises aussi bien par Felwine Sarr, souhaitant inscrire le français dans une « écologie des langues », que Jean-Christophe Ruffin, opposé à la pratique d’une « francophonie disciplinaire ». Ce fut également le sens de l’intervention de Souleymane Bachir Diagne, observant le devenir de la francophonie comme « une célébration joyeuse du pluralisme ». Il nous tarde de participer à cette fête. Faisons qu’elle se tienne partout où la langue française subsume les échanges du quotidien. Car une fête, nous le savons, soude une communauté. Elle demeure à inventer, connaissant aujourd’hui la difficulté à mettre en réseau les festivals ou les rentrées littéraires semés dans tout l’espace francophone. Demeurent aussi à inventer ou faire émerger et circuler les histoires, les rythmes, les imaginaires, les personnages, les décors et les paysages de cette naissance joyeuse d’une communauté francophone. Et de ceux qui les écrivent. Oui, il semble bien que célébrer le pluralisme, à la fois objet et destination d’une communauté francophone, est affaire de circulation.
Dans la mesure où le livre est manifestement désigné pour être le moteur de cette communauté migrante, voici l’objet à faire circuler en premier lieu. Cela nous ouvre à un autre versant de l’idée de communauté, économique celui-là, dont l’industrie du livre peut devenir un pionnier inestimable. Lors des discussions, suivant en cela l’une des pistes avancées par le plan élyséen [2], ou bien est-ce l’inverse, Yannick Lahens s’est prononcée en faveur de l’ouverture des marchés éditoriaux francophones. La communauté européenne a fondé l’une de ses raisons d’être sur l’argument du libre-échange des biens. Cela fait sens à n’en pas douter. A condition peut-être que les éditeurs non-français, et particulièrement les éditeurs du continent africain, prennent pleinement leur part dans cette discussion. Si la francophonie n’était qu’une réalité numérique de locuteurs, l’Afrique en serait assurément la championne et son titre ne serait probablement jamais remis en jeu. Si la francophonie n’était qu’un marché, le rythme de création de maisons d’édition dans un contexte de ressources restreintes (voir l’enquête de Kidi Bebey) sur le continent, combiné à la jeunesse de sa population et des progrès de l’alphabétisation, en font un pôle de production éditoriale et de lectorat francophones d’une importance capitale dans les années à venir. De nombreuses initiatives, l’agenda de l’Alliance Internationale des Editeurs Indépendants, celui du Bureau International de l’Edition Française en ce qui concerne l’édition francophone et l’International Publishers Association, l’Association pour le Développement de l’Education en Afrique ainsi que l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, davantage orientés vers l’édition anglophone, comme en témoigne Raphaël Thierry, en faveur de l’édition africaine aujourd’hui autonomes pourraient trouver à l’occasion de ces Etats généraux un lieu de rencontre et d’harmonisation. Toutefois, si les créateurs hexagonaux peuvent être sensibles à l’effervescence esthétique et linguistique que réserve la francophonie, en est-il de même pour les éditeurs français dont la maturité du marché domestique, la puissance financière, la stabilité avantageuse du cadre réglementaire et l’activité des réseaux diplomatiques nourrissent à l’heure actuelle leur avantage dans la dynamique d’internationalisation croissante du marché francophone.
Il semblerait absurde de décentraliser l’édition francophone, ou la dé-métropoliser selon le mot d’Emmelie Prophète, sans penser l’interaction de tous les contextes très différents qui la ponctuent. Sami Tchak et Rodney Saint-Eloi ont tenu des propos très optimistes à ce sujet, structurés autour de l’idée de réciprocité. Le premier lie la communauté francophone à la circulation des livres d’auteurs français vers les autres pays francophones, inversant par là le trajet malheureusement canonique à l’heure actuelle des livres en français. Arguant du fait que le marché français devenait plus restreint à mesure qu’il concentrait toujours davantage les productions de l’ensemble de l’espace francophone, l’élargissement des autres marchés de langue française serait profitable à tous. Le second voit l’occasion pour Paris de se délester d’un poids symbolique qu’elle n’a plus la force, et peut-être l’envie, de porter à travers la fin de la suprématie française sur le marché francophone. Pour autant, l’un et l’autre placent l’édition française au coeur de leur réflexion, excluant de fait les marges dans la proposition de solutions, si ce n’est dans leur rapport de dépendance plus ou moins négociée avec le centre. Si nous parlons d’un espace en commun, lieu d’un universel axé sur la célébration du pluralisme, la chance de ces assises est de créer un appel d’air qui ferait souffler un vent nouveau dans les rayonnages des librairies, des bibliothèques et des cercles de discussion littéraires grâce à l’arrivée de livres venant de tous les centres francophones et dans chacun d’eux.
L’idée de communauté francophone repose, nous le voyons, sur les principes de circulation et de réciprocité, tant dans leur aspect esthétique que leur réalité économique. Les déclarations prononcées à l’occasion de ces assises n’ont cependant rien de très surprenant ni rien de très nouveau. Il ne faudrait pas confondre les annonces et les déclarations de principes avec les actes effectifs. Sur ce plan, le choix a été fait d’en laisser la responsabilité à un corps de métier : les éditeurs.
Les éditeurs au centre du décentrement
C’est un parti pris nettement marqué que de placer les éditeurs, maillon parmi d’autres de la chaîne du livre, au coeur des discussions sur le livre en français. Et un parti pris bien senti. L’édition étant un métier de l’offre, c’est bien l’éditeur qui prend systématiquement tous les risques pour faire vivre le livre. Dans le contexte précis des ambitions affichées par les Etats généraux du livre le rôle de l’éditeur, tout à la fois prescripteur de valeurs morales et esthétiques et dirigeant d’entreprise, l’indique clairement comme le noeud de l’affaire. Ces deux visages paraissent si étroitement liés dans son activité quotidienne qu’il semblerait naïf cependant de miser sur la seule responsabilité de quelques individus déjà convaincus depuis 10 ans et peut-être davantage par les arguments qui ont présidé à l’organisation des assises à Saint-Malo. Un objectif souhaitable de ce chantier désormais ouvert consisterait à produire un cadre normatif et contraignant adopté par l’ensemble des éditeurs francophones destiné à inscrire les principes de circulation et de réciprocité dans les pratiques professionnelles quotidiennes.
Nous parlions de fête, la lecture en est sûrement la toute première dans notre communauté à venir. L’éditeur en est le chef d’orchestre. C’est lui qui reçoit, sélectionne, accompagne, promeut les manuscrits qu’il reçoit tout au long de leur mue vers l’objet livre qu’il façonne et dont il fait commerce. L’enjeu de la forme et de l’usage de la langue française est en grande partie entre ses mains à la lecture des manuscrits et dans le travail d’accompagnement des textes avec l’auteur. A mesure que ses yeux se prêtent au jeu de la lecture se déposent, ou se recomposent, les normes esthétiques qu’il souhaite développer en conformité avec sa ligne éditoriale, elle-même déterminée en fonction d’un lectorat. Dans ce jeu complexe la question de l’usage et de l’allure de la langue française est centrale. Le mot célèbre de Kourouma, déclarant penser en malinké et écrire en français, résume toute la difficulté à faire circuler non pas seulement les livres mais aussi les imaginaires à travers le français. D’autant plus dans le contexte de concentration française de la production éditoriale francophone. Car la scène littéraire française, a fortiori parisienne, demeure un espace de légitimation pour nombre d’écrivains non-français écrivant dans cette langue. Cette perception, rendue effective par les pratiques des auteurs et des éditeurs, demeure d’une triste actualité lorsque l’on tourne le regard vers l’Afrique (voir l’ouvrage de Claire Ducourneau).
Que dire d’une communauté fondée sur la circulation et la réciprocité dans laquelle seuls quelques-uns détiendraient le pouvoir de normer l’usage de la langue sur laquelle elle repose tout entière ? L’édition française est à première vue la principale concernée. Bien que le phénomène tende à s’estomper au fil du temps, la différenciation des auteurs français des auteurs francophones à travers des collections dédiées, constitue une aberration pour qui est associé à la fondation d’une communauté francophone. Les éditions Zulma, présentes à Saint-Malo, peuvent légitimement se sentir mises en porte-à-faux dès lors que cette remarque est adressée aux éditeurs français. L’indistinction de l’origine des textes dans l’offre de la maison, pourvus qu’ils soient écrits en français, constitue son ADN et contribue certainement à une part de son succès. Comme l’a rappelé Jean Rouaud, la francophonie n’est ni un rapt ni une offrande entre la France et le reste du monde. L’organisation de l’offre éditoriale au sein des maisons d’édition francophones pourrait faire l’objet d’une attention marquée lors des Etats généraux. Ces travaux, pour être rigoureux, auraient tout à gagner à ne pas restreindre l’offre actuelle en fonction de critères sociaux ou nationaux mais à l’enrichir sans commune mesure en l’adossant à un art poétique francophone.
Bien évidemment, il y aurait une forme d’injustice à ne placer que les éditeurs face à cette responsabilité. Le succès d’un livre, la curiosité à l’égard d’un auteur ou encore le goût de la surprise à la découverte d’un style procèdent également d’un système de légitimation au sein duquel la critique universitaire et médiatique occupent une place conséquente. Le traitement médiatique de figures peu connues du grand public et pourtant centrales dans la production éditoriale francophone doit changer d’échelle et d’approche. Le journalisme littéraire et avec lui le livre souffrent de n’être pas suffisamment représentés dans l’ensemble des médias de la francophonie. Lorsqu’il l’est, la réussite commerciale ne peut pas se faire l’avatar exclusif de la qualité de l’ouvrage. Ou bien dans ce cas, regardons les listes des meilleures ventes de tous les pays francophones. L’imaginaire du lecteur est ouvert à ce flux d’informations connexes au livre qu’il tient entre les mains ou qu’il est sur le point d’acheter voire de recommander et d’offrir.
L’éditeur francophone détient une large part des normes symboliques et esthétiques qui concourent au plaisir ou au déplaisir de nos lectures. Il assure également le fonctionnement d’une entreprise régi par l’exigence de rentabilité. Considérer la condition entrepreneuriale d’une maison d’édition est une avancée majeure que permettent les Etats généraux du livre en français. L’un ne va pas sans l’autre. Les choix éditoriaux s’inscrivent à l’aune de cet impératif économique. Il en va de même pour le volume des tirages, la rémunération des auteurs et des traducteurs, le prix de vente des livres, la relation avec les diffuseurs et les distributeurs… tout ce qui entre dans la composition de l’huile qui fait tourner les rouages de l’industrie du livre. Ce rappel permet de prendre la pleine mesure des discussions à venir et des décisions à prendre d’ici à l’année prochaine.
La question de la solidarité entre éditeurs fut posée à plusieurs reprises lors des assises. Elle s’articule au noeud majeur de notre affaire, celle qui a justifié cette rencontre improvisée suite au discours présidentiel : la cession de droits et les co-éditions. Objet de la seconde table-ronde, elle arme l’ensemble du discours sur la circulation des oeuvres et la réciprocité des échanges au sein de notre communauté. Nous ne le répéterons jamais assez. Si le récit des réussites d’Actes Sud en la matière ont permis d’appréhender le sujet avec enthousiasme, le témoignage d’Elyzad a suscité plus de tension dans l’assistance. Cette maison tunisienne regrette que l’orientation des cessions de droits suivent le plus souvent un sens unique, en défaveur des petites structures dites du Sud. Les quelques éditeurs africains présents aux assises ont fait valoir leur désir d’acheter les droits des auteurs africains aux maisons européennes ou américaines. Là encore, les discussions ont dessiné un espace dual, entre un centre opulent et prédateur et une périphérie démunie. Et les retours d’expérience laissent deviner une activité cantonnée à une échelle artisanale, déterminée par le hasard de rencontres personnelles plus ou moins fructueuses.
La fondation d’une communauté francophone, en toute rigueur, ne peut pas se limiter à ce type de schéma, qui plus est lorsqu’il s’agit des cessions de droits et des co-éditions. Il y aura communauté réelle lorsque les droits des oeuvres en français circuleront à échelle industrielle et quasi systématique entre tous les pôles de l’espace francophone, de Tunis vers Beyrouth, de Dakar vers Alger, de Montréal vers Bruxelles ou encore de Paris vers Haïti et vice versa. Cette rapide énumération comprend déjà un nombre considérable de connexions monétisées entre les éditeurs de toutes ces villes. Et elles ne sont pas les seules à pouvoir entrer dans cette dynamique de multiplication. Et les prétendants ne sont pas seulement francophones, même si dans la perspective de notre communauté les cessions de droits du français vers le français revêtent une importance toute particulière. Nous comprenons mieux désormais la place qu’occupe la cession de droits dans l’ouverture des marchés éditoriaux francophones. L’accroissement de la taille du marché et de l’intensité des échanges qui s’y déroulent à échelle francophone permettra, nous l’espérons, non seulement de viabiliser la gestion des titres au sein des maisons d’édition qui publient en français mais aussi d’inscrire la « francosphère éditoriale » (Pierre Astier) dans le marché mondial de l’édition.
Inscrire la question de la solidarité dans ce passage à l’échelle de la cession de droits laisse le champ libre à l’invention de modèles et de pratiques durables entre éditeurs francophones capables de devenir des références auprès des éditeurs des autres ensembles linguistiques. L’industrialisation des cessions de droits nécessitera un outillage juridique considérable dont les lignes directrices sont à établir. Voilà l’occasion d’honorer par exemple le droit d’auteur de sorte à faire de l’écriture une pratique professionnelle dans tout l’espace francophone, d’instituer des partenariats au long cours dans des domaines diversifiés, depuis la politique éditoriale à la formation professionnelle en passant par des créations éditoriales inédites, sans oublier l’épineuse question du prix du livre. Les principes du commerce équitable et de la responsabilité sociale des organisations n’ont a priori rien d’étranger à la conduite d’une entreprise d’édition. Souhaitons que l’ouverture du marché francophone, sous l’impulsion de l’industrialisation de la cession de droits et des co-éditions, en épouse les contours. Il n’en demeure pas moins que cet enthousiasme repose sur une foi peut-être exagérée dans le rôle régulateur du marché.
Nombreuses en effet les maisons d’édition qui parviennent à porter auprès des lecteurs le fruit de leur travail grâce aux financements publics. Elles se lancent dans la coûteuse épopée des demandes de subventions, des dispositifs mis en place à différentes échelles de gouvernement par des antennes institutionnelles occupant différentes responsabilités et dont la circulation de l’information représente un enjeu d’organisation interne sans cesse renouvelé et d’autres sources encore souvent en voie de tarissement. A ce jeu, les maisons ne bénéficient pas toutes des mêmes avantages en fonction de leur pays de domiciliation. Si la puissance publique décide par endroits de suppléer aux défaillances de marché pour participer à son niveau à la fondation de la communauté francophone qu’elle semble appeler de ses voeux, son rôle consistera assurément à offrir un cadre de soutien et de sécurité à échelle francophone. Sa position la plus efficace et la plus profitable aux professionnels du secteur semble se situer de prime abord dans l’unification du cadre réglementaire et législatif de l’industrie du livre francophone. Une communauté, c’est aussi des lois en partage.
Après les dix années de réflexion et de promotion des arguments avancés par les signataires du manifeste « pour une littérature-monde en français », agissons pour que les dix années à venir soient celles des solutions. Les Etats généraux du livre en français portent désormais cette responsabilité, du moins dans l’estrade offerte aux professionnels de toutes les régions de la francophonie. Cette évolution sensible du traitement de la question de la langue française, tournée vers la prise de décision, ne parviendrait pas à ses fins si une place n’était pas réservée également aux nouvelles générations francophones, inspirées par la fraîcheur de leur regard sur une problématique maintes fois rebattue. Si des lignes doivent bouger, ceux qui les ont tracées doivent en épouser l’ondulation nouvelle.
LA KORA
NB : l’appellation « Etats généraux du livre en français » est prise dans une polémique entre le collectif des auteurs en colère et le Ministère de la Culture. Le terme « assises » a ainsi été préféré pour désigner la réunion de Saint-Malo. Si le nom du chantier qui nous concerne venait lui aussi à évoluer, nous veillerons à corriger cet article en ce sens.
[1] La Kora est une ONG créée par Corentin Emery et Rosine Zadi depuis Casablanca. Elle a pour but, selon ses fondateurs, « d’éditer les talents là où ils se trouvent dans tout l’espace francophone et d’améliorer la connaissance du marché éditorial francophone, notamment africain, en vue de lui prodiguer quelques conseils dans sa structuration. La Kora développe une activité d’édition, des ateliers d’écriture nommés les Korales dans 5 villes différentes (Abidjan, Casablanca, Dakar, Oran et Paris) et enfin une marketplace numérique de cession de droits.
[2] Voir la transcription du discours du Président de la République française, Institut de France, Mardi 20 mars 2018 : « C’est en ouvrant notre marché de l’édition aux littératures en français dans toute leur pluralité aussi que nous permettrons de former ce grand ensemble de langue française »