Louis MacNeice – Dimanche matin

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

En bas de la rue quelqu’un fait des gammes
Qui disparaissent comme des poissons d’un petit coup de queue.
Le cœur de l’homme se dilate à rafistoler sa voiture.
C’est le dimanche matin, le grand bazar du Destin.
Voyez dans ces occupations un but, fixez-vous sur Ici et Maintenant.
Vous vous élèverez jusqu’à la musique, vous conduirez même après le Grand Saut,
Prendrez des virages sur deux roues jusqu’à devenir si rapides
Que vous arracherez des lambeaux au passé balayé par le vent.
Vous pourrez isoler cette journée, en faire, dans la semaine du temps,
Une minuscule éternité. Un sonnet rimé et clos sur lui-même.

Mais silence ! Tout là-haut, un bruit de déglutition : le clocher de l’église
Vomit ses huit cloches ; des gueules ouvertes de squelette n’en finissent pas
De répéter qu’il n’y a point de musique ou de mouvement qui assurent
Une fuite hors de la semaine. Qui continuera d’un bruit sourd…

*

Sunday Morning

Down the road someone is practising scales,
The notes like little fishes vanish with a wink of tails,
Man’s heart expands to tinker with his car
For this is Sunday morning, Fate’s great bazaar;
Regard these means as ends, concentrate on this Now,
And you may grow to music or drive beyond Hindhead anyhow,
Take corners on two wheels until you go so fast
That you can clutch a fringe or two of the windy past,
That you can abstract this day and make it to the week of time
A small eternity, a sonnet self-contained in rhyme.

But listen, up the road, something gulps, the church spire
Opens its eight bells out, skulls’ mouths which will not tire
To tell how there is no music or movement which secures
Escape from the weekday time. Which deadens and endures.

***

Louis MacNeice (1907–1963)Poems (1935) – Collected Poems (Faber & Faber)Anthologie de la poésie irlandaise du XXe siècle : 1890-1990 (Verdier, 1996) – Traduit par ?