En allant à Cansado est le premier roman de la journaliste sénégalaise Nafissatou Diouf, paru aux Editions Harmattan Sénégal en mars 2018. Cette fresque sociale nous montre les différentes facettes de l’immigration de l’Afrique vers l’Europe.
Cansado, le point du début du livre et de sa fin aussi. Cité huppée et moderne dans la ville de Nouhadibou, en Mauritanie : clubs, courts de tennis, terrains de basket, dancing, piscines, logements somptueux. Et pourtant. Si y vivent paisiblement des expatriés européens aussi bien qu’africains, leurs employés de maison regardent la mer comme on regarde un chemin vers le Maroc et l’Espagne. Car souvent partir est synonyme de bonheur : c’est ce que disent ceux qui sont de l’autre côté de l’océan, n’est-ce pas ? Roman qui n’en est pas un, histoire qui en sont plusieurs, En allant à Cansado a un narrateur omniscient qui se glisse, comme une caméra, sur des villes sénégalaises, mauritaniennes, italiennes, pour nous offrir une vision panoramique, une grande fresque sociale, de l’immigration. L’auteure, Nafissatou Diouf, est journaliste, rédactrice en chef, Maître de conférences, consultante pour la Francophonie. Elle prend donc à cœur dans sa globalité et complexité ce fait social en collectant une série de situations différentes. Pourquoi suivre le parcours des jeunes gens dans les bateaux ? Pourquoi stationner dans les centres de rétention, se faufiler à l’intérieur des logements des migrants, observer leur relation avec leurs enfants ? Tout cela sert à Nafissatou Diouf pour mener une étude documentaire, mais également pour formuler une critique vis-à-vis des Etats Africains aussi bien qu’Européens : « L’immigration rappelait à l’Europe ses devoirs et mettait l’Afrique devant ses responsabilités« .
En effet, elle nous ouvre les yeux non seulement sur la précarité de ceux qui partent, mais également de ceux qui décident de rester dans des conditions de misère, comme Maty, vendeuse ambulante dakaroise : « A trois heures du matin, Maty n’aurait certainement pas reconnu son marché si elle y était revenue. La plage était noire de monde. Il y avait deux-cents, trois cents ou quatre cents personnes ». On parle ici des jeunes qui essaient de prendre les pirogues et confient leur destin aux passeurs.
Roman parfois déroutant qui peut nous laisser avec un sentiment d’insatisfaction (qu’est-ce qu’il en sera de Sidi le dealeur ? L’amour entre Salif et Domenica pourra-t-il sortir à la lumière du jour ?), En allant à Cansado fait de l’actualité son point d’appui le plus solide. Et de nous faire prendre conscience à chaque page à quel point la grande Histoire se niche dans la petite, toujours.