Étoile de papier, de François Conod

Publié le 01 juin 2018 par Francisrichard @francisrichard

Le présent livre n'est qu'une oeuvre littéraire qui contient notamment des théories. En cela, ce n'est pas un roman, pas un essai non plus. Zut alors, on aime bien les étiquettes.

Qu'importe l'étiquette pourvu qu'on ait l'oeuvre... C'est ce que le lecteur est tenté de dire un fois le livre refermé. Parce qu'il s'agit bien là d'une oeuvre littéraire qui relève à la fois du roman et du témoignage, qui dit donc faussement la vérité, mais la dit...  

Le premier chapitre donne tout de suite le ton: par son titre d'abord, Dans un nid de coucous, qui évoque le film de Milos Forman, par son propos ensuite, l'internement forcé en HP de l'auteur, essentiellement pour "alcoolisme", par l'ambiance enfin.

Le narrateur est logé en section de psychogériatrie, est sans doute l'un des moins âgés des patients (ceux qui souffrent). Au sujet des vieux et des malades mentaux, il pose la question, expérience faite: est-il judicieux de les mettre ensemble?

Avant d'en arriver là, il observe et raconte son séjour en HP, qui aura passé lentement, très lentement, trop lentement. Comme c'est observé et raconté avec beaucoup d'humour, noir, le lecteur ne sait pas trop s'il peut en rire ou s'il doit s'en affliger.

Comme l'auteur est lettré, les ombres d'écrivains qui buvaient beaucoup ou qui se sont suicidés (parfois les deux) se présentent à son esprit et, comme l'imagination se nomme aussi parfois la folle du logis, à leur exemple, il se met à son tour à inventer.

Il imagine ainsi le périple de l'un des patients, qu'il a surnommé le Zombie, depuis la Somalie jusqu'à la Suisse romande, et c'est sans soute la partie la plus romanesque de ce livre sans étiquette. Sinon, il raconte des anecdotes et des choses vues.

Parmi les choses entendues, il y a ce qu'il appelle le petit lexique infirmier-malade où les demandes du personnel aux malades sont des ordres qui signifient le contraire de ce qu'elles disent; lui, pour s'en sortir, dira ce qu'on lui aura dit de dire.

En fin il confesse, humour toujours: Je me suis amusé comme un fou à écrire ce livre, seul un fou ne s'en rendrait pas compte. Le lecteur sera alors tenté de boire à la mémoire de celui qui, de mai 68, n'avait gardé que le goût du vin et de la parlotte...

Tandis que son Zombie a suivi son étoile pour s'exiler, parce qu'il voulait être libre, même si ce n'était qu'une Étoile de papier, François Conod aura suivi la sienne pour retrouver ses livres et ses meubles, et il aura eu raison, fût-elle de papier, elle aussi.

Francis Richard

Étoile de papier, François Conod, 104 pages Bernard Campiche Editeur