Foch chez les Belges
(De l’envoyé spécial du Petit Journal.) Front des Flandres. Sur une route des Flandres, une auto, soudain, passa. Elle emportait deux des plus illustres hommes de nos temps. Côte à côte, d’un seul regard, on pouvait voir ensemble toute la conscience et tout l’espoir de cette guerre : Albert Ier, roi des Belges, Foch, chef de nos foudres. Ils allaient vers un espace libre où des régiments belges, l’arme au pied, attendaient. C’étaient les combattants de la journée de Kippe, ceux qui, le 17 avril, alors que l’Allemagne voulait percer par l’Yser, repoussèrent l’Allemagne en l’amaigrissant de 3 500 de ses soldats. Leur heure arrivée, les Belges, comme les autres, héroïquement, avaient joué leur rôle. La France venait les décorer. Ce fut rapide et grand. Il faisait beau : Albert Ier, Foch descendirent. Un colonel belge, petit, noir, sec, rude, Dejaiffe, il s’appelait, et qui commandait les troupes s’avança. Il ne commandait pas simplement les troupes par cette matinée de parade, il les commandait surtout le 17, le 17 date de Kippe. Et les troupes étaient fières et droites et se tenaient. Elles s’étaient tenues très bien aussi le 17. Foch prit une cravate de la Légion d’honneur et d’une voix perçante, cria : « Au nom du président de la République… » Le chef d’état-major, général Gillain, venait d’être décoré. Trois croix d’officier, cinq de chevalier, six médailles militaires, vingt croix de guerre sur d’autres poitrines. Elles furent toutes gagnées à peu près comme celle-ci : « Capitaine L…, des chasseurs à pied, officier d’une rare énergie et d’un courage à toute épreuve. Le 17 avril 1918, à Merckem, quoique ayant été grièvement blessé dans la tranchée de départ, a conduit sa compagnie à la contre-attaque. Après s’être fait panser sommairement, il n’a consenti à remettre son commandement que lorsque les positions étaient reprises et organisées. » Et tous défilèrent. Et la voix de Foch s’éleva une fois encore sur les inondations des Flandres, le généralissime, haut, disait : « Mon colonel, je vous fais mon compliment sur votre belle troupe. Elle vient de se présenter ici comme elle se présenta à l’ennemi. » Belles actions avaient appelé beau langage.
Le Petit Journal
, 28 mai 1918.Aux Editions de la Bibliothèque malgache, la collection Bibliothèque 1914-1918, qui accueillera le moment venu les articles d'Albert Londres sur la Grande Guerre, rassemble des textes de cette période. 21 titres sont parus, dont voici les couvertures des plus récents:
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