Éditeur, scénariste de bandes dessinées, grand voyageur et écrivain, Patrick Manoukian est venu présenter à une trentaine de lecteurs Babelio son dernier roman Hunter, publié chez Hugo et Compagnie. Les amateurs des enquêtes mongoles de Yeruldelgger connaissaient Patrick Manoukian sous le pseudonyme Ian Manook, mais c’est sous la nouvelle identité de Roy Braverman que l’auteur a écrit ce livre et rencontre ses lecteurs.
Le récit de Hunter raconte la disparition étrange de plusieurs couples dans une petite ville des Etats-Unis. Les hommes sont retrouvés assassinés tandis que les femmes sont portées disparues. Hunter, homme de couleur métisse, est condamné à mort pour ces crimes et s’évade de la prison après douze années de captivité. Il revient dans le petit village des Appalaches où ont eu lieu les crimes et l’ancien policier Freeman va tout faire pour que Hunter avoue où il a caché le corps de Louise, sa fille, une des cinq disparues.
Tout commence par un pari
Roy Braverman a commencé à écrire dès l’âge de quinze ans et en est venu à être publié à l’occasion d’un pari conclu avec sa fille. « Le défi d’écriture vient de ma fille Zoé. J’ai toujours écrit pendant cinquante années sans ne jamais rien terminer. Lorsque je bloquais sur un genre, je passais à un autre, et ainsi de suite. Quand ma fille est partie vivre à Buenos Aires, je lui ai demandé si elle voulait que je continue à lui envoyer ce que j’écrivais, mais elle en a eu marre de ne jamais avoir la fin des romans et m’a demandé d’en terminer un une bonne fois pour toutes ».
Une histoire de pseudonymes
L’auteur a publié ses œuvres sous plusieurs pseudonymes, notamment Ian Manook pour son roman Yeruldelgger publié chez Albin Michel en 2013 et Paul Eyghar pour Les Bertignac : L’homme à l’œil de diamant publié chez Hugo & Cie en 2011. Un choix qui n’est pas lié au hasard, puisque Roy Braverman adapte son pseudonyme en fonction du genre qu’il décide d’écrire. « J’avais conscience que Hunter était autre chose. L’histoire était destinée à être un polar à l’américaine, plus linéaire et plus dense, avec moins de descriptions et plus d’action. Quitte à faire quelque chose de différent, autant écrire sous un pseudonyme différent ! ».
Une source d’inspiration littéraire minime
Lorsque la question de ses inspirations littéraires lui est posée, Roy Braverman répond qu’il n’en a que très peu, voire pas du tout. Il a fait le souhait de ne pas être influencé par d’autres écrits mais dit aimer tout de même les livres courts en citant J. D. Salinger. « Il y a deux grandes écoles pour moi dans le métier d’écrivain. La première, c’est le devoir de tout lire pour se construire et construire ses récits. Moi, je ne fais pas partie de cette école car si je lis trop de romans, j’ai peur de rencontrer des idées en me demandant pourquoi moi-même je n’y avais pas pensé avant pour mes histoires. En revanche, à chaque salon littéraire je ramène au moins cinq livres et je lis les trente premières pages de chacun afin de m’en faire une idée générale. Ensuite, je fais deux piles : une pour les livres que je lirai, et une autre pour ceux que je ne lirai pas. C’est la seconde pile qui grandit le plus vite… »
Braverman : un grand voyageur
L’écrivain s’inspire d’endroits qui l’ont particulièrement marqué pour situer ses intrigues. « Pour les pays dans lesquels j’ai voyagé, je n’ai pas de problème de description, je me base sur mes propres souvenirs. En revanche, je préfère inventer un lieu et un contexte lorsque des scènes se déroulent dans des endroits plus petits. C’est le cas pour les scènes de crime, par exemple ». Il ne fait pas spécialement de recherches car il aime laisser son libre court à son imagination : « Je ne connais pas la phrase qui va suivre ce que je suis en train d’écrire ».
Le point de vue de l’auteur sur ses personnages
Certains lecteurs ont fait remarquer qu’il n’y avait pas beaucoup de caractéristiques et de descriptions physiques des personnages, et que les dialogues et l’aspect moral étaient privilégiés. Roy Braverman éprouve un réel attachement pour ses personnages et pense que la qualité du langage et des échanges est plus importante que celle de l’apparence. « J’aime m’attacher à construire tous les personnages comme s’ils allaient durer cinq cents pages. Ils se construisent en effet pour moi beaucoup par les dialogues et les expressions. J’évite les descriptions physiques car l’épaisseur vient des dialogues qui forment les gens ». Le personnage de Denise dans son roman a été unanimement apprécié et l’auteur dit vouloir mettre plus de femmes en personnages principaux dans ses futurs livres. « Je veux construire tous mes personnages de manière la plus dense possible. Pour le prochain roman, dans les dix protagonistes que j’ai commencé à construire, sept sont des femmes ».
La question du racisme dans Hunter
Les origines du personnage de Hunter sont assez floues. Il est décrit comme un « demi-sang indien », et dans une région reculée comme la chaîne de montagnes des Appalaches située à l’est de l’Amérique du nord, les personnes de couleur de peau ne sont pas toujours très bien perçues. Le shérif qui a envoyé Hunter en prison pendant douze années a profité de cette discrimination raciale pour faire condamner un homme qui se qualifie comme innocent. « Je veux parler des natifs dans mon livre et dans les livres qui vont suivre. Les endroits reculés comme les Appalaches sont sidérants et très excentrés des grandes villes. Dans Hunter, il y a une sorte de domination que je voulais aborder depuis un certain temps et c’est pour cela que j’ai fait de mon personnage un « sang-mêlé » comme le sont considérés beaucoup d’indiens aujourd’hui aux Etats-Unis ».
Roy Braverman travaille actuellement sur l’écriture du second tome d’une trilogie prévue. L’histoire devrait s’ancrer en Alaska où le lecteur pourra retrouver le personnage de Hunter. L’écrivain pense aussi déjà au troisième tome, qu’il aimerait situer en Louisiane. S’il tient ses promesses, son prochain livre devrait être publié en mai 2019, l’auteur ayant rappelé qu’il publiait un roman chaque mois de mai.