Un premier problème se pose au niveau des responsabilités, pénale et civile, en cas d’accident. À qui incomberont-t-elles : au conducteur, présumé aujourd’hui pouvoir reprendre le volant en cas de danger ; au constructeur ; ou aux éditeurs de logiciels ou autres composants intégrés ? Le rapport souligne l’importance de clarifier cette question en organisant la tenue de groupes de travail. Le fait de pénaliser le constructeur pourrait être un frein majeur au développement de ces technologies, mais la pénalisation par défaut du conducteur s’oppose à l’inévitable affaiblissement de son attention en situation de conduite déléguée, partiellement ou totalement, à la machine.
Du fait de cette lacune, aucun texte ne permet actuellement d’encadrer les expérimentations de véhicules autonomes en France. C’est finalement la loi Pacte qui devrait permettre de donner à ces expérimentations un véritable cadre réglementaire complet en France à partir de 2019. À noter que des tests de véhicules autonomes sont déjà effectués en Île-de-France grâce à des dérogations mentionnant que le responsable un cas d’accident est le détenteur de la dérogation.
Autres articles
-
Quelques techniques pour négocier son taux d'emprunt
-
Près de 70 000 PME de croissance en France
-
Le bien-être au travail, un sujet à traiter globalement
-
Pourquoi les banques ne jurent plus que par l’expérience client
-
Prélèvement de l'impôt à la source : choisir le bon taux
La CNIL a d’ores et déjà publié un pack de conformité, relatif aux seuls véhicules connectés, qui devra être revu pour des véhicules qui seront à terme connectés, autonomes, partagés et électriques. Cette notion s’oppose à la vision défendue à l’origine par les constructeurs de « véhicules étendus », qui leur aurait potentiellement permis d’être les dépositaires quasi-exclusifs des données des utilisateurs. Selon le rapport Idrac, le développement ne pourra se faire qu’au travers des échanges de données entre véhicules et avec l’infrastructure environnante. La notion des « conditions d’accès aux données du véhicules » pose cependant des inquiétudes pour les acteurs de l’écosystème, qui se reposent sur ces mêmes données pour perfectionner leur algorithme de conduite autonome. La proposition du rapport Idrac risque donc de ne pas être consensuelle et les débats sur tant sur la question des données d’utilisateurs que sur l’articulation entre aspects sociétaux de la « smart city » et intérêts privés sont loin d’être clos. Enfin, comme les routes elles-mêmes, la question des véhicules autonomes ne s’arrête pas aux frontières françaises. La coordination européenne est donc essentielle dans ce domaine pour bénéficier d’un cadre harmonisé et efficace. Heureusement, des initiatives ont déjà été lancées grâce aux financements de la Commission européenne, avec notamment des projets de coopération avec la France, l’Autriche, l’Espagne et le Portugal.
Cette coopération est d’autant plus essentielle qu’un pays seul ne peut prendre des dispositions sans tenir compte du cadre international. Or, au niveau international, une convention de Vienne de 1968 impose à la plupart des Etats européens continentaux qu’un conducteur soit toujours derrière le volant de son véhicule. Cette convention, qui ne s’applique pas aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, donne à ces pays une flexibilité réglementaire certaine pour le développement des véhicules autonomes. Pour éviter aux autres pays de prendre du retard dans ce domaine, il est donc essentiel de refondre collectivement la convention de Vienne. Espérons que le rapport Idrac permettra de donner un « coup de starter » pour créer une mobilisation internationale autour de cette question.
A propos de l'auteur : Claude-Étienne Armingaud est avocat associé au sein du bureau de K&L Gates à Paris.