Quand j’ai vu mon neuro à l’automne 2016, il semblait douter fortement de la possibilité que mes douleurs soient neuropathiques, malgré leur présentation classique : ça a commencé en même temps des deux côtés, aux mains et aux pieds, c’était le même feeling que dans les descriptions que j’ai trouvé (en fait, c’est en entrant sur Google la sensation que j’avais, soit “pain like too tight glove” (douleur comme un gant trop serré) que j’ai eu plein de résultats de neuropathie! Mais bon, je n’avais pas réagi à l’amitriptyline, j’avais une condition complexe, mon électromyogramme (EMG) et les tests auxquels il avait pensé étaient normaux… clairement c’était pas ça! On voyait bien qu’il pensait que c’était dans ma tête. Mais comme j’ai écrit, j’ai insisté pour une biopsie diagnostique. Il m’avait dit qu’on en reparlerait si ça n’allait pas mieux au rendez-vous suivant. Ce fut fait en passant, c’était la moindre des choses lors de ce rendez-vous, puisqu’on avait de plus grandes inquiétudes au niveau cognitif… mais ce fut fait, j’ai eu une requête pour ladite biopsie!
Le 18 juillet 2017, j’ai été à l’hôpital pour cette biopsie en chirurgie d’un jour.
C’est ce matin-là, en discutant quelques secondes avec la neurochirurgienne (sur la civière, juste quelques minutes avant d’être roulée dans le bloc opératoire), que j’ai appris que non, je n’aurais pas la procédure habituelle. Je m’en doutais bien, parce que je crois qu’habituellement, cette biopsie cutanée peut se faire dans un bureau et ne prend pas une chirurgie d’un jour!
En gros, la biopsie cutanée habituelle pour tester la neuropathie des petites fibres ou NPF (que JE suspectais… et à laquelle mon neurologue ne croyait pas, je le répète), se fait par un poinçon. Oui oui, comme pour le papier… ou presque.
Trois millimètres de circonférence, on le place sur la peau, en général sur la cheville ou en bas du tibia, on appuie sur le bouton et “clac!”, ça fait un petit trou dans les couches de la peau, jusqu’aux terminaisons nerveuses (incluses). Le médecin place un petit diachylon et voilà! Souvent, pour pouvoir faire une comparaison (et vérifier l’évolution), des échantillons sont aussi pris à deux endroits sur la cuisse (près du genou et près de la hanche).
Mais ce n’est pas ce qui m’est arrivé… on m’a annoncé qu’on n’avait pas cet outil à l’hôpital où j’étais, et que personne n’était familier avec cette technique. Je précise que la neurochirurgienne avait fait des biopsies cutanées… mais pas avec un poinçon.
J’allais donc avoir une incision en forme d’ellipse, d’environ 1,5 cm de long par environ 5 mm de large sur la portion centrale, avec deux points de suture, des steri-strips® et une bonne cicatrice, pile sur le devant du tibia.
J’étais un peu découragée, mais j’étais rendue, prête pour la chirurgie, et l’important pour moi était d’avoir la confirmation de la neuropathie afin d’être prise au sérieux et qu’on avance… tant pis si j’avais une cicatrice de plus!
Dix jours après la biopsie
Au lieu de juste un peu de lidocaine aux sites “poinçonnés”, j’ai été plus ou moins endormie avec un sédatif. Ça me fait toujours rire, quand ils disent que, nenon, ils ne vont pas t’endormir, c’est une anesthésie locale seulement… mais ce qu’ils te donnent pour ne pas que tu souffre (et ne vous trompez pas, c’est apprécié!) te mets complètement sur le carreau! Je comprends très bien, la différence est importante, et le temps de récupération est très différent! J’étais “éveillée” au moment de retourner à mon cubicule, où ma mère attendait… mais je n’avais aucun souvenir de la procédure, et j’étais plutôt patraque!
Je connais plein de gens qui s’inquiètent avant ce genre de chirurgie et qui ont très peur d’avoir mal… il me semble que les professionnels devraient préciser : “Non, ce ne sera pas une anesthésie complète, vous ne serez pas intubé et complètement inconscient, avec les risques associés… mais… vous ne serez pas conscient non plus et vous ne vous souviendrez de rien!”
J’ai donc passé une journée presque complète à l’hôpital pour une procédure qui aurait pu être faite dans le bureau d’un médecin… et ça m’a une fois de plus montré à quel point le Québec est en retard. On se targue de notre système de santé public, et ne vous trompez pas, je ne voudrais pas qu’il en soit autrement. Je suis fière que n’importe qui puisse avoir accès à des soins, et malgré mes critiques, ils sont en général de qualité. Cependant, si on a une maladie plus rare ou plus complexe comme le syndrome d’Ehlers-Danlos, quand on essaie d’avoir accès à des tests ou des traitements plus récents, on se bute souvent à des murs invisibles, et je ne trouve pas normal que des traitements qui sont reconnus et habituels en France ou aux USA (infusions de solutions salines, oxygénothérapie, etc.) ne soient toujours pas disponibles ici, même après une décennie!
Fin de la parenthèse…
Heureusement, la plaie a tout de même bien guéri, même si la cicatrice est évidemment beaucoup plus grosse que si je n’avais pas le SEDh (on m’avait promis une petite ligne HAHA -vous inquiétez pas, je savais à quoi m’attendre).
10 mois après la biopsie (oui je porte des bas avec des Crocs, j’avais pas prévu prendre une photo, je suis dans ma cour et il fait frais, bon!)
Le 18 octobre, soit exactement trois mois après ma biopsie, j’ai rencontré mon neurologue. Je devais le voir en novembre pour mon suivi, mais j’ai eu le rdv un peu plus tôt. Quand il m’a vu, il m’a dit que « dès qu’il a eu le résultat de ma biopsie, il a voulu me voir d’urgence ». J’ai trouvé très comique qu’un examen fait en juillet occasionne un rendez-vous d’urgence… trois mois plus tard. La neurochirurgienne m’avait précisé que le neurologue aurait le résultat en quelques semaines…
L’air qu’affichait le neurologue était impayable, et je me retenais de ne pas rire. Il avait de grands yeux surpris.
Il m’a annoncé qu’en effet, j’avais une neuropathie des petites fibres, et plutôt sévère avec ça.
Il m’a dit « Je vais être sincère avec vous, je ne vous croyais pas vraiment. Je me disais que c’était probablement dans votre tête. Mais le test le montre clairement… très, très clairement! » Et chaque fois qu’il répétait « clairement » il hochait la tête comme s’il était encore surpris. J’ai pris le parti d’en rire plutôt que d’être fâchée. Je n’étais pas du tout surprise… comme je l’ai dit, j’avais bien vu que c’était son avis lors des rendez-vous précédents. Il était avec un médecin résident, et j’ai plutôt profité de l’occasion pour rappeler qu’il y avait des cas qui ne répondaient pas aux «textbooks» et qu’il ne fallait jamais juger trop vite. J’ose espérer que ça fera deux médecins qui auront eu une leçon.
Malheureusement, les quelques tests qu’il m’avait fait passer pour tenter de trouver la source de mes douleurs étaient tous revenus négatifs (d’où le « c’est dans la tête »), alors il m’a annoncé qu’il ne voyait pas quoi faire de plus que d’essayer de soulager les douleurs… et que, de ce côté, il avait épuisé ses options, vu que ce n’était pas sa spécialité.
Il m’a recommandé à une neurologue spécialisée dans le traitement de la douleur, en me prévenant toutefois que ça pourrait prendre plus d’un an avant que j’obtienne un rendez-vous (mais en insistant que ça en valait la peine, car elle était excellente).
Il s’est ensuite concentré sur mes migraines, et je dois le revoir l’automne prochain, soit un an plus tard.
Recevoir ce diagnostic m’a fait un gros choc, même si je me doutais que j’avais un type de neuropathie depuis l’automne 2014, et que j’étais pas mal certaine que c’était la NPF depuis un certain temps. Mais entre « être certain » d’un diagnostic et se le faire confirmer, c’est toujours différent. Prendre conscience que, vraiment, une quantité de nos terminaisons nerveuses sont mortes, disparues… c’est épeurant.
La suite des choses, c’est d’essayer de cesser la progression. Car un diagnostic de neuropathie des petites fibres n’est en quelque sorte qu’un diagnostic secondaire. J’ai un nom sur cette douleur et une explication… mais pourquoi j’ai ça? Pourquoi ça a commencé en 2014? Si on trouve le pourquoi, on pourra peut-être trouver une façon de stopper l’évolution, parce que depuis 2014, ça a beaucoup empiré. En 2014, j’avais mal aux mains et aux pieds, de temps en temps, mettons quelques fois par mois, la nuit et ça m’empêchait alors de dormir. Puis ça a été plus souvent : plusieurs fois par semaine. Puis ça a fait mal le jour aussi, mais pas tous les jours. Maintenant la douleur va jusqu’en haut des genoux et jusqu’aux coudes, et ça fait mal tout le temps! J’ai aussi maintenant d’autres problèmes sensoriels reliés à ça, des sensations de chaleur au bout d’un doigt, la perte de sensation de quelques orteils, par exemple. Donc l’évolution continue.
Je vais donc tenter d’insister pour que mon neurologue cherche plus loin lors de mon rendez-vous de l’automne. En attendant, je vais aller voir mon médecin de famille afin de voir s’il accepterait de me faire passer certains tests pour tenter de trouver une cause…