Je relis le passage cité en conclusion de mon message de lundi dernier.' Mais je ne ressentais aucune appréhension. J'étais déjà suffisamment familiarisé avec l'Archipel. Une patience extrême, un soin extrême me permettraient de franchir la région des terres fragmentées, des brises fugitives et des eaux mortes pour qu'enfin je sente l'objet de mon commandement vivre avec la grande houle et s'incliner au souffle puissant des vents réguliers qui lui donneraient le sentiment d'une vie vaste et plus intense. La route serait longue. Toutes les routes sont longues qui mènent vers ce que le coeur désire. Mais cette route-ci, je pouvais la lire en esprit sur la carte, d'un oeil professionnel, avec toutes ses complications et ses difficultés; et pourtant assez simple d'une certaine manière. On est marin, ou on ne l'est pas. Et je ne doutais pas de l'être.'( Dans La Ligne d'Ombre, traduction de Florence Herbulot, tome IV Pléïade p 910)C'est étrange: aujourd'hui, les phrases soulignées la semaine dernière ne pèsent plus grand chose devant celle-ci: 'franchir la région des terres fragmentée'.Qui a pour objectif de franchir la région des terres fragmentées? Qui sinon l'écrivain qui en créant un livre doit essayer de dépasser le chaos. Mais quel chaos? Le chaos du monde, qui répond évidemment au chaos de la mer. Le capitaine du bateau doit amener son navire à bon port, accomplir la traversée, donner un sens aux mouvements absurdes dont s'animent la surface des eaux, en faire profiter les voiles de son bateau. Aller du port de départ au port d'arrivée. Qu'il y ait une première et une dernière page.