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577ème semaine politique: comment la présidence des riches s'attaque à la jeunesse

Publié le 27 mai 2018 par Juan
577ème semaine politique: comment la présidence des riches s'attaque à la jeunesse

Qui aurait pu croire que le plus jeune président que la Vème République ait connu serait aussi le plus dur et le plus injuste avec la jeunesse ? La politique macroniste prend tout son sens quand elle s'applique aux plus jeunes du pays.


Étouffer
Mardi, des manifestants protestent contre les coups contre les services publics. La fonction publique se prépare à un plan de 120 000 suppressions de postes d'ici 2022. L'avant-veille, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire expliquait qu'il faudra aussi couper dans les aides sociales, avant d'être contredit par son collègue du Budget, l'ex-sarkozyste Gérald Darmanin. Ce désaccord est une querelle artificielle: Darmanin a surtout la trouille que cette franchise soudaine de Le Maire n'enflamme davantage l'opposition.
https://www.bondyblog.fr/reportages/cest-chaud/emmanuel-macron-et-les-banlieues-labsence-programmee/ Caprice du calendrier, le jeune monarque dévoile le même jour son plan pour la ville et les quartiers défavorisés. Ou plutôt son absence de plan: "Je ne vais pas vous annoncer un plan ville, un plan banlieue, parce que cette stratégie est aussi âgée que moi." Notez cette allusion à sa propre jeunesse.
Trois semaines auparavant, Macron avait reçu un énième rapport fortement médiatisé sur le sujet rédigé aux frais des contribuables par l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy Jean-Louis Borloo. Ce mardi jour de manif pour la défense des services, le voici qui torche le sujet avec un discours creux et truffé de clichés dans les salons dorés du palais. Il empile quelques clichés bourgeois sur les banlieues - le "l'enfermement dans des modes de clientélisme" des politiques précédentes, la "profonde insécurité", "la grande violence, du banditisme, du trafic", "l'assignement à résidence."
Macron multiplie ces formules publicitaires béates et creuses ("construire une politique d'émancipation") dont la Macronista a le secret pour endormir l'auditoire et éviter de nommer les vrais problèmes sociaux. Jugez celle-ci, exemplaire en brassage de vent et de concepts: "l'objectif que nous voulons poursuivre c'est d'essayer de mettre ensemble toutes ces énergies quand elles s'expriment, parce que le grand problème du coup, souvent des quartiers, c'est comme il y a beaucoup d'énergies concurrentes, il y a des effets d'entropie, et on n'entend plus que la concurrence des énergies, non, mettons-nous d'accord, on n'a qu'un objectif c'est qu'on doit réussir."
Les quartiers défavorisés souffriraient d'un "trop plein d'énergies concurrentes"...  vraiment ? Ne riez pas.
Sur les inégalités d'équipements publics, la promesse jupitérienne est à nouveau d'un vide exemplaire: "il faut qu'on réfléchisse à l'idée d'avoir, en effet, cet opérateur de rattrapage des équipements national qui permette dans les quartiers, comme dans le très rural, comme dans d'autres endroits de la République, de mobiliser les financements publics, mais surtout, et c'est là la vertu que je vois de cette idée, qui est très forte, de mobiliser tous les acteurs publics, privés, Etat, collectivités."
Peu de promesses concrètes, donc, pour corriger le manque de moyens publics notamment en matière scolaire. Aucune allusion aux décisions inégalitaires de cette première année de quinquennat comme le désengagement des emplois aidés qui frappe d'abord ces communes, la réforme élitiste des affectations post-bac qui laisse sur le carreau en priorité les élèves des quartiers populaires au risque de renforcer leur résignation et leur hargne, ou les inégalités de revenus aggravés par une politique fiscale qui bénéficie aux beaux quartiers. Rien, le vide, le silence. Macron parle ce jour-là sans dire grand chose sauf à vouloir occuper l'auditoire et cocher la case "banlieue" dans son agenda politique.
Même sa promesse de campagne de doubler le budget de l'Agence Nationale de Rénovation Urbaine, de 5 à 10 milliards d'euros, a été décalée ("Les crédits seront au rendez-vous, même si la première année nous n'étions pas au rendez-vous, je le prends pour moi, c'est ma faute, mais nous le serons à l’avenir.") à cause de la réduction des APL et de la priorité fiscale donnée aux foyers les plus aisés dès la première année du quinquennat.
Il annonce la sélection d'une "vingtaine de projets" dans les prochains jours,  "à qui on va donner beaucoup de moyens pour leur permettre d’accélérer, de se déployer au niveau national", "30 000 stages de 3ème" (sic!) et la mise en place d'une "plateforme" baptisée « la France une chance ». Macron a toujours cette fichue manière d'habiller sa politique de gadgets publicitaires pour masquer son inaction. Il promet de poursuivre le dédoublement des classes en REP, ou la nouvelle obligation scolaire en maternelle dès 3 ans, sans évoquer la vampirisation d'autres classes en zones rurales puisqu' "il n'y a plus d'argent".
Ce discours pompeux et creux est exemplaire du "dévoiement du langage" en vogue dans la Macronista.
Sylvine Thomassin, maire socialiste de Bondy. résume: "Son discours était digne d’un président complètement hors-sol. Je m’interroge. Comment un homme aussi brillant que lui peut avoir si peu d’intelligence des territoires ? Il a montré une méconnaissance flagrante de la réalité du terrain. Je me suis sentie méprisée, insultée."
Trier
577ème semaine politique: comment la présidence des riches s'attaque à la jeunesse Mardi, une centaine de personnes, pour moitié des lycéens, ont été placées en garde à vue, une garde à vue prolongée de 24 heures le lendemain pour une vingtaine de mineur.e.s. En cause, la brève occupation d'une salle du lycée Aragot à Paris XIIème arrondissement, où se déroulait une AG après la manifestation de la fonction publique le jour même. En toute illégalité, les parents des élèves mineurs incarcérés n'ont été prévenus qu'une dizaine d'heures plus tard. Interrogé, le ministre de l'intérieur Gérard Collomb nie tout problème et met en garde: "la première chose que les professeurs devraient dire à leurs élèves, c'est qu'effectivement quand on est un jeune mineur, on ne va pas nécessairement occuper son lycée, ni aller dans les manifestations qui peuvent dégénérer." Quelques interpelés témoignent plus tard que le même message leur a été délivré par les policiers: "ne participez pas à ces manifestations."
Ce même mardi, les premiers résultats d'affectation post-bac géré par les algorithmes de la nouvelle plateforme Parcoursup sont publiés: 400 000 élèves - les moins bon.ne.s et/ou celles et ceux des lycées les moins prestigieux -  sont en liste d'attente. Ils n'auront, au cours de l'été, que des délais de plus en plus courts pour répondre aux éventuelles réponses positives qui leur parviendront plus tardivement. Parcoursup a été construit sur les décombres d'APB, quand ce dernier système était fustigé pour avoir confié 0,4% des affectations dans l’enseignement supérieur en 2017 à un tirage au sort.
Parcoursup est une supercherie libérale et un fiasco politique: ce nouveau système a laissé les facultés publiques libres de sélectionner comme elles l'entendent, à l'exception d'une proportion minimale d'élèves boursiers. Il a supprimé la hiérarchisation des vœux, ce qui inévitablement provoque des "embouteillages" monstres de candidatures dans les établissements et favorise l'attribution des meilleures places aux élèves des meilleurs établissements.
Cette sélection ne dit pas son nom, elle n'est pas avouée, ou à peine, par les responsables macronistes: mardi 22 mai, Macron ose parler de "sélection par le mérite"; Dès les premières heures du fiasco, la ministre de l'enseignement supérieur tente de minimiser les problèmes: elle promet qu'avant le bac (dans une quinzaine de jours) "deux tiers des lycéens auront une réponse", positive ou négative, ce qui en creux signifie qu'environ 250 000 élèves seront encore dans l'incertitude.
"Par-delà la technique (la plateforme, l’algorithme), il y a bien une philosophie, celle de la concurrence généralisée, entre les élèves d’abord, entre les établissements ensuite, au moyen d’une sélection qui ne dit pas son nom". Tribune d'universitaires publiée par Libération le 25 mai 2018.
En Macronista, on trouve cela "normal". On trouve normal d'avoir à définir un projet professionnel dès l'âge de 17 ou 18 ans. Normal d'être en concurrence pour suivre un enseignement public, normal d'être sélectionné sur des notes de première et (partiellement) de terminale sans attendre le bac national. Normal d'appliquer les règles de sélection du privé au public. Normal de trier les élèves sur des notes non unifiées, prélude à la réforme élitiste du bac.
Cette précarisation des futurs étudiants est un prélude. Parcoursup est une étape essentielle dans la politique de classe, une première étape dans l'apprentissage de la discipline et la résignation: "le président de la Start-up Nation était en fait un vieux con comme les autres" écrit un enseignant sur son blog. C'est l'un des meilleurs résumés de cette supercherie. Le gros du contingent des refus d'affectation ou de mise en attente concernent les départements moins riches et les établissements jugés "moins" bons.
Résigner
La politique macroniste a donc fait de la jeunesse l'une de ses proies prioritaires: le projet est quasi-thatchérien. Il s'agit (1) d'inculquer que la précarité est un état normal et non contestable et qu'il n'y a pas d'alternative politique et sociale; (2) de nier la lutte des classes en créant suffisamment de situation de concurrence entre tous, et, évidemment, (3) de soigner les premiers de cordée de la France d'en haut et protéger leurs rentes.
Le projet macroniste pour la jeunesse a commencé par la suppression maladroite des APL, puis la suppression discrète des classes rurales pour permettre le dédoublement plus médiatisé de milliers de classes en zones d'urgence, puis l’annulation de 2600 recrutement d'enseignants du second degré au budget 2018. Il s'est poursuivi avec la répression violente des occupations d'universités.
L'aveu récent du ministre de l'Education nationale que cette équipe macroniste ne consacre pas d'investissement majeur dans son "interview-bilan" au JDD début mai est passé presque inaperçu: "les contraintes économiques" ne sont pas pour tout le monde. Le gouvernement gère une fausse pénurie quand il s'agit des services publics pour tous, qui n'affecte pas la redistribution fiscale généreuse pour les plus fortunés du pays.
En février dernier, le gouvernement a lancé sa réforme de l'apprentissage, dans une nouvelle loi baptisé "Liberté de choisir son avenir professionnel" (sic!): il y a des progrès - une maigre allocation de 500€ pour passer un permis de conduire (dont le coût moyen est d'environ 1400€), l'extension des réductions étudiantes aux apprentis, une obole de 30 euros supplémentaires par mois - mais cette réforme suit une logique qui n'a pas fait ses preuves: elle étend l'âge limite de 26 à 30 ans, une aubaine subventionnée pour les entreprises, pour une rémunération dérisoire (715 euros mensuels).
Mais la plus grave des réformes contre la jeunesse fut celle du bac et des affectations post-bac: un bac plus élitiste (contrôle continu, renforcement des matières littéraires, grand oral au bac) et une sélection sur dossier étendu à toutes les établissements de France sur fond de gel des moyens, hors inflation, de l'Education nationale en 2018, qui dit mieux ?
De l'étranger, Macron commente. Jupiter n'est pas content qu'on l'attaque. Il s'obstine, et répète, telle Maggie au Royaume Uni il y a 40 ans, qu'il n'y a pas d'alternative possible. Interrogé par son amie journaliste Ruth Elkrief sur BFM TV , le jeune monarque prévient: "Aucun désordre ne m’arrêtera. Le calme reviendra." Cette obstination cherche à résigner le plus grand nombre. Le message est clair: vous pouvez manifester, protester, ou râler, rien ne bougera, rien de changera.
Résister
577ème semaine politique: comment la présidence des riches s'attaque à la jeunesse Emmanuel Macron n'a pas été élu sur ce programme. Il a été élu contre Marine Le Pen en faisant croire à une politique "équilibrée". Son équipe de députés godillots a remporté les élections législatives suivant cet élan. Pourtant, Macron applique un programme d'une manière autoritaire et sans débat: ordonnances Travail ou Code de la honte, réforme du bac et de l'affectation post-bac, atteintes aux droits humains ou suppression du statut des cheminots, cadeaux fiscaux pour les premiers de cordées ou plans d'économie sur les hôpitaux, ces mesures sont quelques-unes de cette politique thatchérienne inavouée.
Dans de nombreuses rues de France, des anti-macronistes de toutes natures défilent samedi 26 mai à l'appel de la Fondation Copernic et d'Attac. Se sont joints près de 70 organisations, une foule d'associations (Attac, Amis de la terre, Act'up, , Les Effronté.es!, Mouvement de la paix, LDH), de syndicats (CGT, Solidaires, Sud PTT, la Confédération paysanne, Unef, le Syndicat de la magistrature), et des partis politiques à gauche (La France Insoumise, PCF, EELV, Générations et NPA). Bataille de chiffres sur la participation mais peut-être un pas vers quelque chose, la structuration d'une opposition civique, sociale et politique.
"On a fait tomber les cloisons entre syndicats, politiques et associations" François Ruffin, député LFI.

"Le mouvement social n'a pas désarmé", résume Jean-Luc Mélenchon. En milieu de semaine, les deux tiers des employé.e.s de la SNCF votent contre la réforme gouvernementale. Les plus belles plumes du Parti médiatique s'empressent de relayer quelques sondages sur ce "mouvement qui s'essouffle", ces "grèves-qui-n'ont-plus-le-soutien-des-Français". La ministre Borne et le PDG Pépy fustigent un scrutin "non démocratique".
Il faut décourager. D'ailleurs, Edouard Philippe n'a-t-il pas confirmé que l'Etat reprendrait les deux tiers de la dette de la SNCF ? L'Etat reprend une dette ... publique dont il est le premier responsable... La belle affaire, quelle générosité !
#MaréePopulaire : 80 000 personnes dans les rues de Paris selon la CGT https://t.co/glmPtWQiNV via @ParisMatch pic.twitter.com/9H3DYSpMp3 — Bembelly (@bembelly) 26 mai 2018



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