A côté de ces laraires abritant des divinités de bronze spécifiquement romaines, on a retrouvé aussi des petits sanctuaires ou autels domestiques conservant des figurines en terre blanche et en calcaire qui sont d'un type gallo-romain beaucoup plus marqué, et représentant, comme à Langon en Ille et Vilaine une Cérès, des Vénus anadyomènes, un Mercure, des Déesses-Mères, un cheval... A Rezé en Loire Atlantique, c'est aussi un laraire se rattachant à la tradition romaine qu'on a découvert mais dont les figurines et les divinités qu'il abrite, à savoir, un chien, gardien de la maison, un porc, symbole de fertilité et trois déesses protectrices, en font un petit sanctuaire privé entièrement consacré à des croyances indigènes.
On s'est demandé si ces laraires « mixtes » de type gallo-romain étaient l'expression d'un processus de romanisation en cours ou bien au contraire de retour aux traditions gauloises. On peut citer à l'appui de cette dernière thèse, le sanctuaire dédié à Mithra à Mackwiller dans le Bas Rhin qui fut en partie ruiné à la fin du IIIe siècle et au lieu d'être reconstruit fut remplacé alors par un « sanctuaire de source », construit sur un plan indigène, ce qui corroborerait le retour, à cette époque, aux traditions religieuses indigènes les plus anciennes.
Les deux statues pourraient être les figurations du dieu Kernunnos et d'une divinité de la prospérité familiale, le phallus représentant la fertilité... C'est Joël Le Gall, qui fut le directeur des fouilles sur le site d'Alésia où l'on trouva, dans le sous sol de la « maison à la Mater » et dont l'escalier s'ouvrait dans la cour de la propriété, une statuette de déesse-mère au pied d'une niche, qui donna à ces sanctuaires le nom de « caves sanctuaires ». « Si elles présentent les mêmes caractéristiques que les caves utilitaires, précise Gérard Coulon (« à la rencontre des Dieux gaulois »), elles comportent en plus une ou plusieurs niches aménagées assez haut, dans les parois, qui abritent une ou plusieurs statues de déesses-mères ou de dieux domestiques ». En outre, les « caves sanctuaires », pour lesquelles Coulon préconise de substituer l'expression d' « oratoire privé en sous sol » présentent aussi la particularité d'abriter un guéridon de pierre à un seul pied, parfois décoré.
Ces détails sont rares dans les découvertes afférentes à la tradition romaine: pratiquement pas de laraires aménagés dans un sous-sol, extrême rareté des tables. Il semblerait donc bien que ces oratoires privés souterrains soient spécifiquement gaulois et Joël Le Gall est catégorique: « ces chapelles n'avaient aucun rapport avec les laraires romains, les dieux qu'on y honorait étaient les dieux nationaux de la Gaule ». La localisation souterraine peut s'expliquer de différentes manières: on a pu dire que la cave était l'endroit idéal pour honorer les divinités familiales de la fécondité et de la prospérité puisqu'elle est tout à la fois fondement de la maison, lieu sombre à l'abri des regards du public, resserre à provisions, et donc lieu privilégié pour demander à ces divinités les bienfaits matériels de leur protection, de la prospérité et de la sécurité . Raison supplémentaire, selon Joël Le Gall, si les gallo-romains pour accueillir leurs dieux dotaient leurs maisons d'un sous sol, c'est parce qu'il «leur rappelait les huttes à demi enterrées que les hommes partageaient jadis avec eux. Sans doute pour se rapprocher davantage encore de ce souvenir, on eut soin que l'escalier de ce sous sol débouchât toujours à l'air libre dans la cour de la maison ».
Il semblerait donc bien établi que ces oratoires privés ne participent en rien à la tradition romaine. En revanche, on ne sait pas s'il s'agit d'une vieille coutume indigène dont ne nous serait, pour une raison ou pour une autre, parvenu aucune trace de la période indépendante et qui continuerait à avoir cours sous l'Empire dans un nouveau cadre de vie; ou s'il s'agit de la transposition en Gaule intérieure, du laraire classique. La première hypothèse fait son chemin et Jean Louis Brunaux dans ses travaux sur les religions gauloises note que « l'autel dans la maison n'est à priori pas à rejeter » même si sa réalité ne pourra être prouvée que par l'archéologie . A l'heure actuelle, malheureusement, les découvertes sont encore trop peu nombreuses pour pouvoir juger de la place de ces sanctuaires souterrains dans la religion privée. En revanche, on peut se demander, comme Gérard Coulon, si « la coexistence de ces deux traditions religieuses d'expression bien différentes ne pourrait pas contribuer à appréhender une certaine dualité de la société gallo-romaine ? »
Omios.