J’ai trouvé ces poèmes dans le recueil paru aux éditions Zoé Le livre d’Ophélie et La voie nomade.
Anne Perrier (1922-2017) est une écrivaine et poète suisse.
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La jeunesse décomposée
La terre couverte de plaies
Hélas hélas où conduire mes pas
Vole ma vie en éclats
Et que la poésie se pare
De tout ce que je perds
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La nuit pourra venir
Souffler sur mes paupières
Le silence pourra tenir
En laisse tous mes airs
Mais pas avant
Que j’aie jeté aux quatre vents
Mon chant de mort
Et planté dans le front du temps
Mes banderilles d’or
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Laissez ah ! laissez-moi
Me perdre dans ce lac d’asphodèles
Elles regardent dans les yeux
le ciel
Que m’emporte ce clair essaim
Et la nuit viendra boire
Dans ma main
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Bâtissez-moi un grand tombeau
Une haute fontaine
Je vous dis que rien n’est trop beau
Pour ton sommeil ô longue peine
De vivre que nulle eau
N’est assez pure pour atteindre
En moi le ciel profond
N’est assez fraîche pour éteindre
Ces soifs qui détruisent le corps
Ces feux qui brûleront
Les portes de la mort
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La beauté
Foulée aux pieds par ce siècle barbare
Avec ma sœur la lune
Qui peut les délivrer
Douleur douleur
Le cœur n’est plus
Qu’un cimetière d’astres éboulés
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Je m’arrête parfois sous un mot
Précaire abri à ma voix qui tremble
Et qui lutte contre le sable
Mais où est ma demeure
Ô villages de vent
Ainsi de mot en mot je passe
A l’éternel silence