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Faïza Guène : Millenium Blues

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Millenium Blues  de Faïza Guène     4,5/5 (16-02-2018)

Millenium Blues  (234 pages) est disponible depuis le 10 janvier 2018 aux Editions Fayard.

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L’histoire (éditeur) :

« Le monde a changé à partir du forfait Millénium. Désormais, on se parlerait sans limites. On pourrait se dire autre chose que l’essentiel. La jeunesse devenait Millénium, le monde, sous nos yeux, était en train de devenir Millénium. J’ai le Millénium Blues. Vous l’avez aussi ? Est-ce qu’on en guérira un jour ? »
De la fin des années 1990 à nos jours, Zouzou promène sur son époque son regard d’enfant, d’adolescente, puis de jeune femme, et enfin de mère, tout cela dans le désordre ou presque.
On suit par épisodes, par âges, le parcours tourmenté de ce personnage, reflet de sa génération, bousculée par l’arrivée du nouveau millénaire.
Chaque épisode fort de la vie intime de Zouzou est lié de près ou de loin à un événement de notre vie collective. La coupe du monde 1998, le 11 septembre 2001, le second tour de l’élection présidentielle de 2002 ou encore la Grippe A...
Mais si le monde change à un rythme de plus en plus rapide, une chose demeure : l’amitié qui lie Zouzou à Carmen, et qui va traverser le temps et les épreuves.
Tout commence à Paris, par un accident, en août 2003, en plein cœur de la canicule…

Mon avis :

Dans ce nouveau titre, Faïza Guène (auteure du célèbre Kiff Kiff Demain) nous donne l’occasion de retourner dans les années 90 en nous plongeant  dans le portrait d’une jeunesse normale, si proche du réel. Millénium Blues est un roman qui m’a beaucoup parlé, dans lequel j’ai trouvé ma place, qui m’a rappelé beaucoup de souvenirs (que ce soient ceux en lien avec l’actualité ou bien même des plus perso…J’ai d’ailleurs ressorti mon CD d’ABBA !).

A coup d’épreuves et de moments forts (parfois plus anodins) on suit Zouina dont l’histoire m’a tellement serré le cœur !  Zouzou est une gamine comme tant d’autres, une fille qui colle à son temps avec des failles, des attentes (pas beaucoup au final. Juste l’essentiel), des parents (chiants, culpabilisants, touchants, étouffants, fragiles), une copine qui s’enfonce puis un bébé qui redonne vie (mais pas l’amour, en tout cas pas pour Zouzou).

Zouzou est une fille qui excuse tout ou qui trouve partout une justification, qui manque de confiance mais qui va peu à peu la trouver, trouver la force et prendre conscience de certaines réalités/ vérités.

« Je ne voulais plus être témoin du malheur des autres, mais actrice de mon propre bonheur » Page 89

« Ce qui est bien avec la poésie, c’est qu’il y en a partout, il y en a tout le temps.

On en trouve même dans la crasse. Même dans un terme juridique froid. » Page 180

« Est- ce que ce corps qu’elle maltraite avait autre chose à vivre ? Son regard, gris comme la lune, serait-il devenu aussi triste ?

Est-ce que moi, je me remettrai un jour de ne pas l’avoir sauvée ? Est-ce qu’on arrêtera de se torturer avec toutes ces questions ?

Que fera-t-on de cette culpabilité partagée Carmen et moi ?

Parce que je trouve que ça en fait beaucoup pour nous deux. Un jour tout deviendra clair.

Il s’est passé quatorze ans.

Et pendant ce paquet d’années, il faut bien le reconnaitre, on a été terriblement inventives pour se punir.

Tout ce qu’il reste à faire, c’est attendre, parce que, depuis la création du monde, on sait qu’à la nuit succède le jour. C’est évident. C’est sous nos yeux. Indubitablement, après la pénombre, même lorsqu’elle n’en finit plus, l’aube pointe le bout de son nez. » Page 189

« Car, oui, la vie mérite d’être fêtée. Il faudra célébrer la vie qu’on nous donne à vivre et ne pas en faire n’importe quoi. » page 232

Merci Faïza Guène pour ce beau roman et pour Zouzou. J’ai aimé cette voix qui parfois m’a fait sourire, cette manière d’amener les choses, de laisser un suspens s’installer sur quelques lignes et de tout renverser d’un coup, cette voix qui sonne tellement  vrai, qui colle si justement à la réalité, ancrée dans notre époque.

« « A VOTE ! »

On n’était pas spécialement militants dans la famille, mais l’élection présidentielle, ça, c’était un événement mes tantes m’avaient téléphoné pour me féliciter de ma première fois aux urnes. J’avais à peine la majorité et, en ce temps, c’était une manière d’entrer dans l’âge adulte, ça coptait vraiment. » Page 114

« La nostalgie nous consume, on donnerait tout pour y revenir, à cette époque, c’était l’apogée. C’était quelque chose de grandir dans les années 90. Ça été une chance d’appartenir à cette génération. » Page 213

Millenium Blues c’est de la légèreté, de l’humour, de la sincérité et aussi beaucoup de coups durs. C’est l’image même de la difficulté à mener à bien sa vie lorsque celle-ci n’est pas toujours rose, parfois même chaotique. L’histoire, délivrée à coup  de moments importants (ceux liés à Zouzou ou ceux relatifs au contexte, pas toujours dans l’ordre chronologique d’ailleurs) est forcément douce-amère mais son héroïne tellement touchante, bienveillante et pleine de tendresse qu’on fond… mais pas avant d’avoir pris quelques claques et vu Carmen sombrer…

Une belle rencontre avec la plume vive et percutante de Faïza Guène.


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