C’est un article un peu personnel que je vous écris aujourd’hui. Quelque chose dont j’ai honte et qui pourtant doit être dit. Je suis cette maman en colère qui crie, hurle, perd patience trop souvent. Et je crois que je sais pourquoi…
C’est un article que je voulais écrire depuis des mois, sans arriver à organiser mes pensées ou oser en parler. Pour tout vous dire, il doit y avoir 3 ou 4 brouillons en attente sur le sujet, et le premier date de plusieurs années… Parce qu’en 4 ans j’ai vécu différentes expériences de maman, eu un deuxième enfant qui a encore plus bousculé les principes d’éducation que j’avais, parce que j’oscille (comme mes filles) entre période de calme et de bien être familial (si si, on en a, faut juste bien chercher) et périodes de tensions, de crises et fatalement de culpabilité.
Commençons par le début : avant d’être maman, pour moi, les choses étaient simples. Un enfant, ça doit obéir à ses parents, ceux qui crient trop font des caprices, il faut être ferme et puis c’est tout. Si un parent se retrouve en difficulté c’est qu’il « éduque » mal, que l’enfant prend « de mauvaises habitudes » et si on laisse « trop de pouvoir » à un enfant, c’est un « enfant roi » et on est un parent laxiste. Voilà le topo.
Et puis j’ai eu un enfant. Un enfant « sage », « facile à vivre », mais un enfant quand même : avec ses besoins, ses frustrations, ses émotions et une grande sensibilité. J’ai connu la Fatigue avec un grand F (parce que non, clairement, personnellement je n’avais pas connu la fatigue physique et mentale avant, mais je ne dis pas que ce n’est pas votre cas, loin de là), j’ai connu les nuits hâchées, les couchers interminables, les pleurs qui vous tapent sur le système, les emplois du temps de ministre avec cette impression de devoir tout gérer constamment. J’ai vu ressurgir des trucs que je gardais depuis longtemps, j’ai moi aussi du faire avec une nouvelle sensibilité, de nouvelles frustrations, et j’ai revu mes principes, plusieurs fois. Pour tout vous dire je les revois régulièrement…
Entre tous ces changements, ces adaptations, mon envie de faire au mieux mais aussi de comprendre mon enfant, est apparu une vieille ennemie que je connaissais bien. Une ennemie qui s’était fait plutôt calme en grandissant, mais qui attendait tranquillement sous la surface.
La colère.
Je ne sais pas si vous connaissez le livre « Grosse Colère » de Mireille d’Alancé, mais c’est l’image que je m’en fais. Un peu moins rigolote l’image, parce que dans mon cas j’ai souvent l’impression qu’une deuxième moi prend le dessus. Une moi plus énervée, en colère, un monstre de rage et de violence verbale. Vous aussi vous la connaissez ?
Evidemment que j’ai honte de cette part de moi. Petite, j’étais hyper nerveuse et ça n’a pas vraiment changé. Et le fait de le cacher, de refouler le tout, n’a rien arrangé. Parce que sous la pression, la fatigue, la peur, elle ressort dix fois plus forte, dix fois plus effrayante.
Un peu comme le monstre du livre, sur lequel j’ai l’impression de n’avoir aucun contrôle. Je deviens cette maman qui hurle, qui menace, blessante dans ses propos. Et je vois dans le regard de mes enfants qu’ils ont peur, qu’ils se figent, que la connexion ne s’établit plus entre nous. Parfois cette simple prise de conscience me fait redescendre, chasse le monstre, parfois ça aggrave la colère de voir que mon enfant s’éloigne de moi. Evidemment, cette colère n’est pas vraiment dirigée vers elles, elle l’est toujours vers moi, vers la situation, mais pas vers mes filles. Et évidemment, je m’en veux à tel point que je finis souvent par pleurer, me traiter de mauvaise mère, avoir peur pour la suite, peur de briser la relation avec mes enfants, peur de les « traumatiser ».
Et la peur c’est la copine de la colère, elle s’aident mutuellement pour nourrir le monstre.
Je vous ai déjà parlé de mon envie d’être un parent bienveillant. Le parent qui comprend, ne perd pas son calme, s’excuse, accompagne, ne punit jamais et au grand jamais ne met de fessée. Je suis toujours convaincue par cette idée, tout en sachant que ce n’est pas incompatible avec l’autorité et les limites. Si on se comprend mieux, on peut dire non et surtout c’est mieux accepté de l’autre côté. Après tout, parler résout également les conflits, parler ça sert à désamorcer des situations, même compliquées. Mais il faut accepter que l’on n’a pas de baguette magique pour un enfant parfait. Et que l’on n’est pas non plus un robot dénué d’émotions, de souvenirs, de douleurs enfouies. Ce parent bienveillant, il l’est d’abord avec lui même.
Et ça, c’est ce que j’avais (ai toujours un peu) du mal à comprendre. Tu as beau acheter des tas de livres sur le sujet, regarder des documentaires, te mettre de beaux objectifs « je ne crierai pas aujourd’hui » (tu la vois la pression? la peur, la colère… bah oui tout est lié), rien n’est possible si on ne commence pas par là. C’est pour moi l’étape la plus dure. Parce qu’aimer mes enfants, aucun souci, mais s’aimer soi-même… c’est là que ça devient compliqué.
Pourtant la plupart des bouquins qu’on achète pour être « un meilleur parent », ils abordent tous ce sujet. Et tout au début, en plus, parce que c’est la première étape. Comment accepter que son enfant n’est pas parfait ? Comment arrêter de crier ? Comment être le super parent qui arrive à tout faire et ne s’énerve jamais, se lève toujours du bon pied pour un petit déjeuner en famille au soleil avec l’ami ricoré ?
SPOILER ALERT : ce parent là n’existe pas.
Je me culpabilisais d’être en colère, je me culpabilisais d’avoir des émotions. Allez, je mens pas, c’est toujours le cas.
Du coup, est ce que je donnais le droit à mes enfants d’être en colère et d’avoir des émotions ? Bah non. Leurs crises, elles me renvoient à ma colère, à ma fatigue, à mon mal être, à mon « incapacité à être un bon parent ».
Je vous ai écrit déjà des tas d’articles sur le sujet, et tous disaient la même chose : j’aime mes enfants mais je ne m’aime pas, du coup il y a un souci. On peut le dire 36000 fois mais ça ne règle pas entièrement la chose tant qu’on n’agit pas. Et si pour certains c’est voir un psy, pour d’autres ce sera un magnétiseur, un kinésiologue, faire du sport, de la méditation.
Je n’ai pas encore trouvé ce qui me conviendrait. Mais je me dis que le départ ce serait d’accepter cette colère, de travailler dessus. Ce monstre fait partie de moi et au fond c’est peut être tout simplement un petit monstre de rien du tout en crise, en frustration, qui veut qu’on l’écoute au lieu de le taire sans arrêt. Et c’est là que s’arrête le parallèle avec le livre : fini de mettre ce monstre dans une petite boite pour qu’il se taise. On conseille à nos enfants d’avoir un « coussin de la colère », un défouloir, de crier pour évacuer les tensions. Si ça marche sur eux, ça peut marcher sur nous.
Plus important encore : en nous voyant avoir des émotions, les accepter, poser des mots dessus, les enfants feront peut-être pareil. Le « arrête les crises », « arrête de crier », « calme toi », c’est une réflexe que j’ai et c’est normal, mais ça n’aide personne avec ses émotions, ni elles, ni moi.
Au lieu d’avoir peur du monstre, il faudrait que j’apprenne à le connaitre. Et ça me fait peur. Plus encore que de voir la peur du monstre dans les yeux de mes enfants parfois. Parce que ça reviendrait à s’occuper de soi, à se poser des questions en profondeur, et pourquoi une maman s’occuperait d’elle ?
Et à l’inverse, focaliser sur le positif, sur les moments où j’arrive à comprendre mes filles, à désamorcer une crise, à trouver une astuce pour gérer les tensions et retourner au calme… La semaine dernière j’ai choisi de retenir une victoire dans ma vie de maman en colère : j’ai trouvé un rituel pour le retour au calme de Liloute. Elle dit « Stop maman, j’ai besoin d’un câlin » quand elle sent qu’elle perd pied, et ça fait redescendre la pression des deux côtés. Pour sa soeur, ça ne fonctionne pas mais je suis sure qu’on peut trouver notre façon de calmer une crise qui débute pour en parler posément après.
Pas besoin de tuer le monstre pour ça et croyez-moi, c’est un sacré pas en avant de me dire ça. Parce que pendant tout ce temps où je revoyais mes principes, je me concentrais juste sur mes enfants, leurs émotions, et l’attitude parfaite à avoir. Et moi alors ? Pourquoi je crie, pourquoi cette colère qui monte en moi, qui bout tout le temps ? Je me demandais souvent « pourquoi elle pleure », « pourquoi elle est en colère », mais je ne faisais pas cette réflexion de mon côté. Non, il fallait taire la colère, la contenir, ne pas l’exprimer. Et ça ne faisait que l’alimenter.
J’espère qu’un jour je vous écrirai pour vous dire que j’ai trouvé ma façon d’apprivoiser le monstre. Mais pour l’instant, il faut déjà que je l’accepte et que j’arrête de le réduire au silence. Et sans vouloir me jeter de fleurs, je trouve que c’est déjà une sacrée belle étape de franchie.
Vous avez été plusieurs à me parler de cette colère, cette violence interne même, en mails ou en commentaires. J’avoue que jusqu’ici j’avais honte d’en parler, mais que vos témoignages m’ont aidée. A mon tour j’aimerais modestement vous aider à mon tour en partageant mon expérience, et je serais ravie de lire vos expériences à vous en commentaires. Egoïstement j’ai écrit cet article pour « me décharger », me confier, et tout aussi égoïstement j’espère comme souvent vos commentaires rassurants pour me sentir moins seule. Merci à ceux qui auront lu, jusqu’au bout ou même un petit peu…