Le disciple. – J’ai besoin d’un compagnon, d’un confident.
Satan. – Tu te reposeras contre mon coeur comme Saint Jean sur l’épaule du Christ... Ah, ah! Nous ferons bon ménage. Prêtre d’Onan, tu seras une sorte de moine d’un temple qui n’existe qu’en toi, d’une idole qui est toi-même. Moine matérialiste et athée (car tu le sais bien, étant abandonné de ton esprit, quelle immortalité peux-tu avoir ?) tu ne raconteras pas mon mystère, tu ne feras pas d’adepte.
Le disciple. – ... des phrases, je me libérerai de toi quand je voudrai. Même pas de bâton... un coup d’épingle et je te crèverai, ballon flottant.
Satan. – Ne fais pas cela, tu te crèverais toi-même.
Le disciple. – Tu n’auras pas mon âme.
Satan. – Imbécile, tu n’as donc rien compris... Mais ton âme, c’est moi; mes cornes sont les oreilles d’âne de ta bêtise et mon pouvoir le sacrifice de ton angélité à l’enfer.
Le disciple. – Mais tu n’es pas une hallucination, je te vois, je t’entends. L’appel de mes voyelles t’a donné la vie, et les éléments se sont coagulés en ta fumeuse carcasse... Tu n’es pas moi puisque je te parle...
Satan. – Erreur : Après ta mort, tu ressusciteras en moi... Tel est le pacte ! Je suis le corps glorieux de ton infamie, l’âme-soeur de ton abjection, je suis ta gaine de ténèbres... et – crois-le bien – nous ne nous quitterons plus. »
Jules Bois : Le satanisme et la magie