Partager la publication "[Critique] FARENHEIT 451"
Titre original : Farenheit 451
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Ramin Bahrani
Distribution : Michael B. Jordan, Michael Shannon, Sofia Boutella, Lilly Singh, Laura Harrier, Martin Donovan…
Genre : Science-Fiction/Thriller/Drame/Adaptation
Date de sortie : 20 mai 2018 (OCS)
Le Pitch :
Dans le futur, les livres sont devenus une menace. Brûlés lors d’autodafés médiatisés par des pompiers chargés d’allumer des feux et non plus de les éteindre, ils représentent le savoir que le gouvernement cherche à tout prix à éradiquer pour mieux contrôler les populations. Guy Montag, l’un de ces pompiers, se distingue par son zèle. Un jour néanmoins, à la suite d’une perquisition particulièrement spectaculaire, il commence à se poser des questions sur le bien-fondé de la politique qu’il est chargé de mettre en application…
La Critique de Farenheit 451 :
Roman de science-fiction publié en 1953 par Ray Bradbury, déjà adapté par François Truffaut en 1966, Farenheit 451 a également inspiré un grand nombre de livres, séries et autres longs-métrages. Aujourd’hui, c’est HBO qui livre une nouvelle illustration, voulue fidèle au matériau de base. Un film dirigé par Ramin Bahrani, dont l’œuvre la plus connue à ce jour demeure le très efficace et éloquent 99 Homes, dans lequel Michael Shannon se distinguait déjà…
The book is on fire
Michael Shannon interprète ici le supérieur et partenaire de Montag, le personnage principal, quant à lui campé par Michael B. Jordan. Le visage fermé, Shannon parvient néanmoins, avec le talent et cette ambiguïté si particulière, à retranscrire la complexité d’un personnage qui a lui seul, incarne d’une certaine façon la pression d’une société répressive et prompte au mensonge. On le voit brûler des bouquins sans faire preuve d’états d’âme puis rentrer chez lui pour écrire des sortes de haïkus sur de petits bouts de papier en ayant au préalable pris soin de déconnecter le mouchard que tous les citoyens doivent accepter dans leur foyer. Pourquoi couche-t-il sur le papier ses sentiments alors que c’est interdit ? Que pense cet homme froid et consciencieux, visiblement cultivé mais en accord avec l’idéologie d’un gouvernement totalitaire qui se livre pourtant tous les soirs à une activité prohibée ? Le film ne répond jamais à ces questions. À vrai dire, et c’est rapidement que ce constat s’impose, Farenheit 451 semble survoler son récit.
Si on fait exception des autodafés, métaphore claire du propos de l’œuvre de Bradbury et donc de celle du film, cette nouvelle adaptation ne rentre pas vraiment dans les détails et échoue donc, en moins d’1h40, à vraiment rendre justice aux ambitions de son modèle de papier. Pas au point de faire office d’échec cinglant mais suffisamment pour qu’on regrette ce manque d’ambition au niveau de la narration et cette légèreté qui au final, font davantage ressembler le long-métrage à un épisode de Black Mirror qu’à l’adaptation d’un chef-d’œuvre de la littérature.
L’éveil au savoir
Il y a aussi cette façon bien trop brutale dont fait montre Montag, le héros, quand il fait marche arrière et décide de sauver les bouquins au lieu de les brûler. Il suffit d’un événement pour finalement le faire changer d’avis. Michael B. Jordan n’est pourtant pas en cause. Lui, on le sent investi. Il a même co-produit le film. À fond dedans, aussi remarquable que Michael Shannon, il fait un job impeccable, et tire d’ailleurs en permanence le film vers le haut. Non, ici, là encore, c’est l’écriture qui pêche. Comme si le scénario s’était empressé d’enchaîner les péripéties pour franchir la ligne d’arrivée, oubliant que sur bien des aspects, un film n’est pas une course de vitesse mais un marathon. Loin de se montrer constant, ce nouveau Farenheit 451 va trop vite. On en revient à cette notion de survol. Le revirement que le protagoniste principal opère est donc trop brusque, tout comme la fin, vite balancée alors qu’elle aurait clairement mérité un développement un peu plus ample. Idem pour les personnages secondaires. Si Sofia Boutella s’en tire et se montre valeureuse, tous les autres ne servent qu’à meubler l’arrière-plan, n’ayant jamais une bien grande consistance face aux deux figures qui dirigent les opérations et incarnent le récit.
Mais Ramin Bahrani réussit pourtant à entretenir une rythmique qui tient l’ennui à distance. On perçoit le caractère fascinant du propos de Bradbury au détour de jolies scènes, bien soulignées par une réalisation parfois pertinente et une photographie certes un peu sombre mais néanmoins racée. Du début à la fin, Farenheit 451 se montre au moins divertissant. Le soucis, c’est qu’il s’agit de l’adaptation de quelque chose d’important et non pas d’un classique de la Bibliothèque verte. Comme intimidé par l’ampleur de la tâche, écrasé par le poids de son modèle, Ramin Bahrani a préféré prendre la tangente et transformer le tout en un film de science-fiction assez conventionnel, propre et soigné au niveau de la forme, mais plutôt léger et parfois un poil anecdotique.
En Bref…
Ce nouveau Farenheit 451 pêche clairement par un manque d’audace et d’ambition. En survolant son sujet et en simplifiant le propos, il manque de substance et échoue globalement à rendre justice au roman de Bradbury. Et pas besoin d’avoir lu le livre en question pour s’en rendre compte. Par contre, si on le prend comme une série B de s.f., il fait le job. Notamment grâce à ses acteurs, quant à eux clairement investis…
@ Gilles Rolland