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Hakim Bah :« Partir d’autres œuvres pour en créer une »

Publié le 21 mai 2018 par Africultures @africultures

Dramaturge , Hakim Bah est, depuis février 2018, en résidence au théâtre Le Tarmac à Paris. Il revient pour Africultures sur son compagnonnage de longue date avec ce théâtre, avant de nous parler de ses écrits et de son processus de création, depuis ses premières œuvres produites, adolescents, à Conakry en Guinée.

Vous travaillez actuellement sur un projet de création qui convoque Nietzsche par le biais de Zarathoustra. Pouvez-vous nous présenter ce projet, ses échéances, l’avancée de votre travail ?

Le travail avec le metteur en scène Jacques Allaire a commencé l’année dernière. Il y a déjà une version du texte qui est actuellement répétée au Tarmac et la création de ce spectacle, produit par Le Tarmac, y aura lieu début novembre 2018 sous le titre Fais que les étoiles me considèrent davantage. On a fait une lecture de la pièce début janvier, nous avons des séances de travail, je retravaille la première version.

La version écrite telle qu’elle existe du spectacle convoque, à côté de celui de Nietzsche, plusieurs textes, car l’idée est de voir comment des auteurs ont été touchés ou inspirés par Ainsi parlait Zarathoustra.

L’œuvre de Nietzsche soulève de nombreux thèmes : l’amour, Dieu, la richesse… Moi, je me suis intéressé à la figure-même de Nietzsche et surtout à sa relation à l’amour. Ce qui a fait naître Ainsi parlait Zarathoustra, c’est une grande déception amoureuse, qui a eu l’effet d’une sorte de malédiction sur lui, jusqu’à sa mort. C’est l’amour manqué avec Lou-Andreas Salomé, qui aurait dû être son grand amour mais ne l’a pas été, qui m’a intéressé. Elle préférait être l’amie, entretenait des relations avec d’autres hommes, Nietzsche a même envisagé l’idée d’un foyer à trois avec Paul Rée… J’ai découvert aussi, en travaillant sur la figure de cet auteur, sa relation à sa famille, ses parents, son père qui est décédé. Zarathoustra, écrit après cette grande déception, est en quelque sorte l’enfant manqué. Nietzsche a été le père et la mère de cet enfant.

Pourquoi cet intérêt pour la figure de Nietzsche ? Est-il né d’une lecture ?

Non, je ne m’intéressais pas du tout à la philosophie. C’est parti du rêve du metteur en scène, Jacques Allaire, qui voulait partir de cette œuvre de Nietzsche pour faire un spectacle. Il cherchait un auteur et le Tarmac nous a mis en lien. À partir de là, il m’a amené vers la lecture d’autres auteurs également, qui sont partis de l’univers de Nietzsche pour écrire, Jack London, par exemple, avec Radieuse Aurore, Manfred de Lord Byron, Ibsen… Beaucoup d’œuvres ont ainsi traversé l’écriture de cette pièce, beaucoup de lectures. D’habitude, je pars souvent du réel pour écrire mes pièces, mais là, le fait de partir d’autres œuvres pour en créer une représentait un autre trajet.

Vous dites que le Tarmac vous a mis en lien avec Jacques Allaire. Vous avez d’ailleurs une longue histoire avec ce théâtre, pourriez-vous en donner les grandes lignes ?

J’ai entendu parler du Tarmac en Guinée par le biais d’autres artistes. Je commençais à écrire du théâtre. J’ai eu vent de comités de lecture qui existaient, dont celui du Tarmac. J’y ai envoyé des textes et j’ai eu des retours qui m’ont permis de les retravailler car j’ai commencé par la poésie, les nouvelles, puis, après, le théâtre. Les retours que j’avais des personnes qui lisaient mes pièces en Guinée n’étaient pas de vrais retours, au sens où, en tout cas, ils ne me permettaient pas d’ « avancer ». C’est ainsi que j’ai pu retravailler La Pelouse, mon premier texte. L’équipe du Tarmac m’a proposé ensuite une publication pour Un cadavre dans l’œil[1], on ne se connaissait que par ces échanges de mails avec le comité. Ce texte était une commande de la compagnie de Roland Fichet, du théâtre de Saint-Brieuc. Puis, j’ai rencontré Valérie Baran aux Récréâtrales de Ouagadougou, je suis allé ensuite en France en résidence d’écriture à L’Aquarium. J’ai pu échanger avec l’équipe  du Tarmac dans le cadre de cette publication, ma première en théâtre. J’ai continué à envoyer mes textes à ce comité et souvent je me suis retrouvé finaliste (Ticha-Ticha, À bout de sueurs, Convulsions… La Nuit porte caleçon qui a été lauréat du comité[2]), pratiquement tous mes textes en fait sont passés par le comité. Jusqu’au moment où ce travail en coopération avec Jacques Allaire m’a été proposé.

Compte-tenu du contexte et de l’annonce de la fermeture du Tarmac vous semble-t-il important de soutenir le projet de ce théâtre ?

Oui, bien sûr, après tout ce que j’ai expliqué-là. C’est une famille, l’équipe du Tarmac, depuis la première publication, jusqu’à aujourd’hui. C’est un théâtre qui se bat pour des artistes comme nous. C’est important qu’il y ait des espaces dédiés à cela, et qui permettent aussi des croisements. J’aime la collaboration que nous avons avec Jacques Allaire, c’est un metteur en scène français, et je trouve cela très important d’arriver à créer aujourd’hui des lieux de rencontre entre des artistes venant d’ailleurs et des artistes français.

[1] Ce texte a été joué les 12 et 13 avril au Tarmac, dans une mise en scène par Guy Theunissen et en musique par Témé Tan.
[2] Hakim Bah, avec La nuit porte caleçon, est le lauréat du comité de lecture du Tarmac, la scène internationale francophone, pour la saison 2014-2015.


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