Simonne - selon la graphie originelle - Lucie Ernestine Marie Bertrand de Beauvoir naît à Paris, au matin du 9 janvier 1908, au deuxième étage d'un bel immeuble bourgeois, 103 boulevard du Montparnasse, VIe arrondissement de Paris, voisin du café La Rotonde qui ouvre en 1911.
La noblesse des Beauvoir est relativement récente (XVIIIe), mais ils le sont complètement. La mère de Simone est rayonnante. Son père, mi-aristocrate, mi-bourgeois, mondain, beau parleur, est nationaliste, antidreyfusard, il a le culte de la famille et, bien qu'incroyant, il respecte l'Église.
La Grande Guerre fait des Beauvoir des déclassés. Son père déclare à ses filles qu'elles devront gagner leur vie:
Ce handicap, Simone le retournera en chance: la nécessité d'assurer son indépendance économique lui ouvrira les chemins de la liberté.
Simone est une jolie petite fille brune, aux yeux bleus, très tôt saisie par le désir d'écrire:
A force de dévorer des livres, à plat ventre sur la moquette rouge, le désir lui vient d'en produire elle-même.
Elle est précoce puisqu'elle débute à sept ans...
Elle perd la foi à quatorze:
La contradiction entre la piété maternelle et le scepticisme paternel, coupant la vie spirituelle de la vie intellectuelle et terrestre, avait préparé cette liquidation.
Sylvie Le Bon de Beauvoir écrit à raison, même si on peut le regretter:
L'intime liaison de la perte de la foi et la vocation d'écrire colore l'ensemble du parcours de Simone de Beauvoir.
Quelle que soit l'opinion que l'on ait d'elle et de ses idées, elle sera de toute évidence un écrivain hors norme:
Son intelligence hors norme, alliée à une rare capacité de travail, lui permet d'accumuler en trois ans, de 1925 à 1928, huit certificats de licence: littérature française, latin, mathématiques générales, histoire générale de la philosophie (avec mention très bien), études grecques, philosophie générale et logique, morale et sociologie, psychologie...
En juin 1929, elle prépare l'oral de l'agrégation de philosophie avec le clan fermé de René Maheu, (qui est recalé à l'écrit): Paul Nizan et Jean-Paul Sartre... Les résultats sont proclamés le 30:
Premier, Sartre avec 87,5 points; deuxième, Simone de Beauvoir avec 85,5 points. Entre eux déjà tout s'est noué, l'existence du Castor [c'est René Maheu qui l'a métamorphosée en Castor: car "Beauvoir = Beaver" et "les castors vont en bande et ont l'esprit constructeur"] est devenue duelle: il faut dire désormais CastorSartre...
Sylvie Le Bon de Beauvoir, qui a été adoptée par Simone, parce que c'est le seul moyen de lui céder les droits sur son oeuvre, retrace donc le parcours du Castor dans cet album, son parcours d'écrivain hors norme et de femme tout aussi hors norme, qui aura vécu une relation de couple hors norme avec Sartre.
Même si la vie du Castor ne s'arrête pas avec la mort de Sartre (elle continuera jusqu'au bout d'écrire et de combattre pour ses idées), il n'empêche qu'une page se tourne pour cette femme, avant tout femme écrivain, c'est-à-dire, comme elle le définit elle-même, quelqu'un dont toute l'existence est commandée par l'écriture:
Sa mort nous sépare. Ma mort ne nous réunira pas. C'est ainsi; il est déjà beau que nos vies aient pu si longtemps s'accorder.
Francis Richard
Album Beauvoir, Sylvie Le Bon de Beauvoir, 248 pages, Gallimard
Albums précédents:
Album Perec, Claude Burgelin, 256 pages, Gallimard (2017)
Album Shakespeare,Denis Podalydès, 256 pages, Gallimard (2016)
Album Casanova, Michel Delon, 224 pages, Gallimard (2015)
Album Duras, Christiane Blot-Labarrère, 256 pages, Gallimard (2014)
Album Cendrars, Laurence Campa, 248 pages, Gallimard (2013)