C'est le moment en effet où, un long moment après être descendue de l'hélicoptère qui l'a extirpée de la jungle colombienne, Ingrid Bétancourt, encore en tenue de camouflage, pense à retirer son chapeau.
Je suis à peu près sûr qu'elle a attendu, sans doute inconsciemment, car on ne réfléchit pas à sa politique de communication après 6 ans et 4 mois d'enfer, ce moment là pour le faire, car il marque sa libération.
Le couvert végétal est tellement dense dans la jungle qu'il y fait très sombre, et surtout il est peuplé, hormis les guerilleros, d'innombrables bestioles (araignées, scolopendres, coléoptères) qui dégringolent régulièrement telles une pluie animale. D'où le fameux chapeau. Ingrid Bétancourt a beau être verte, elle a estimé que là, l'hostilité de la nature était excessive...
Un chapeau qu'elle a rarement quitté pour des bestioles indésirables, une grande âme pour se protéger de l'ignominie morale de ses geôliers. " Oui, j'ai eu des spasmes de haine", a-t-elle dit, " mais c'est du passé". Elle se déclare maintenant tournée vers l'avenir, dit que tout est à faire, à construire, s'enthousiasme " d'avoir envie de changer le monde". Quand elle ajoute, hier soir au JT de 20 heures, que sur ce dernier point, " c'est un peu grand, c'est sûr" (comme ambition), et que " Non, aujourd'hui, je n'ai peur de rien. Je n'ai plus peur de rien, maintenant", avec cette impressionnante sérénité, j'ai envie de la croire.
J'ai envie de la croire parce que, quelqu'un qui est arrivé à se débarrasser d'une haine immense de l'Homme (jusqu'à demander à Sarkozy d'accueillir en France les FARC repentis), pour avoir maintenant une vocation viscérale à oeuvrer pour son salut, j'appelle ça une Grande, une très Grande Âme.
Voilà pourquoi, en revenant à la Vie, Ingrid n'avait juste besoin que de retirer son chapeau.