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Que faire quand un titre dévisse ?

Publié le 16 mai 2018 par Chroom

Il arrive parfois qu’un titre parte plein sud alors qu’on vient de l’acheter. D’autre fois, on possède une action depuis longtemps, en ayant réalisé une substantielle plus-value, et là aussi elle se met à dégringoler. Dans les deux cas, on se retrouve emprunté, sans trop savoir que faire : en racheter encore plus pour profiter du prix meilleur marché, vendre pour éviter plus de pertes ou tout simplement ne rien faire?

La plupart du temps, la dernière option est la meilleure. Les cours sont erratiques à court terme et bougent pour des raisons qui ont plus trait à la psychologie des foules qu’à la valeur intrinsèque des sociétés. Si l’on vend à ce moment, il y a de fortes chances pour que le cours remonte droit derrière. Acheter peut être une option, mais cela signifie que l’on augmente également son risque en concentrant plus d’avoirs dans une position. Même si les cours suivent une marche au hasard à brève échéance, il arrive parfois qu’ils chutent pour de bonnes raisons.

Dans tous les cas, il est nécessaire de vérifier si quelque chose a changé dans les fondamentaux. Tant que ceux-ci sont orientés positivement, il n’y a généralement pas lieu de s’inquiéter. Un contrôle du bilan et des résultats annuels est en principe suffisant pour se faire une opinion. Les bénéfices étant par nature inconstants, en particulier à court-terme, il n’est ni utile, ni même souhaitable de se focaliser sur des résultats trimestriels ou semestriels.

Que signifie vérifier les fondamentaux? Voilà quelques exemples de questions simples à se poser :

  • est-ce que l’entreprise réalise des bénéfices ?
  • est-ce qu'elle génère un free cash flow positif ?
  • est-ce que les bénéfices augmentent (ou sont au moins stables) ?
  • est-ce que le dividende augmente (ou est au moins stable) ?
  • est-ce que le ratio de distribution est inférieur à 70% (par rapport aux bénéfices et par rapport au free cash flow) ?
  • est-ce que les liquidités sont en hausse (ou sont au moins stables) ?
  • est-ce que la marge augmente (ou est au moins stable) ?
  • est-ce que la rentabilité progresse (ou est au moins stable) ?
  • est-ce que la dette à long terme baisse (ou est au moins stable) ?
  • est-ce que le nombre d’actions en circulation diminue (ou est au moins stable) ?

Plus vous répondez positivement à ces questions, plus il est probable que le marché s’emballe pour de mauvaises raisons. Probable, cela signifie que vous avez pas mal de chances de votre côté pour que le cours de l’action reprenne la bonne direction assez rapidement. Mais, il se peut que dans certains cas, soit le marché fasse très long à reconnaître ses erreurs, soit qu’il ait vu juste, en anticipant un changement des fondamentaux grâce à des informations de nature privilégiée. C’est d’ailleurs derrière ce dernier argument que les chartistes se cachent pour justifier qu’il ne sert à rien d’analyser les bilans et résultats des entreprises car toutes les données nécessaires se trouveraient déjà dans les cours.

La recherche a prouvé la fiabilité de l’approche fondamentale basée sur la « valeur ». L’analyse technique au contraire n’a jamais clairement réussi à démontrer jusqu’ici son efficacité, à une exception près : l’effet momentum. Un titre qui a sur- ou sous-performé ces six ou douze derniers mois a toutes les chances de faire de même les six à douze mois qui suivent. Cet effet se limite à cette durée, car au-delà, c’est le contraire qui se passe. Cet effet serait dû au temps de propagation des informations qui part des initiés et finit par la masse des investisseurs.

Cela signifie, dans le cas qui nous occupe, qu’il est possible que des événements négatifs, susceptibles d’affecter durablement l’entreprise, commencent par faire baisser le cours avant qu’ils ne soient connus du grand public, et qu’en plus cet effet perdure encore durant plusieurs mois après. Au total, ce processus peut prendre jusqu’à deux ans, si l’on totalise les 2x12 mois de l’effet momentum.

Comment se prémunir dès lors de ce problème? Même si l’on a contrôlé les fondamentaux, on n’est pas à l’abri d’une situation de ce type. Suivre les rapports trimestriels n’y changera pas grand-chose (vous n’aurez pas l’information avant le marché). Au contraire, cela peut même vous inquiéter à tort à cause de la nature inconstante des bénéfices à court terme.

C’est ici que les chartistes peuvent nous venir paradoxalement en aide. Les traders appliquent la règle du 2:1. Autrement dit, s’ils s’attendent à gagner 2$, ils ne devraient pas perdre plus que 1$. Cela permet d’assurer que les pertes soient limitées par rapport aux gains potentiels. Pour ce faire, ils fixent un ordre de vente de type « stop loss », qui se situe dans cet exemple à 1$ en dessous du prix d’achat et un ordre de vente limite à 2$ au-dessus du prix d’achat.

On comprend assez bien comment cela fonctionne pour des traders, sur des petites variations de cours durant la journée, voire sur quelques jours. Mais comment ce principe peut-il être appliqué à des investisseurs orientés sur le long terme, qui s’attendent à des gains potentiellement illimités, ou du moins de plusieurs centaines de points de pourcentage? En admettant même que l’on vise « seulement » à doubler son investissement d’ici sept à huit ans (ce qui est une perspective tout à fait raisonnable), on devrait fixer un ordre de vente stop à 50% en dessous du prix d’achat. Cela ne fait pas bien sûr aucun sens.

Ceci étant dit, la recherche a démontré l’efficacité des ordre stop loss situés à 20% en-dessous du prix d’achat. Cette stratégie est encore plus efficace si le niveau du stop est ajusté en proportion lorsque le cours de l’action monte (« trailing stop loss »). Avec cette méthode, on parvient simultanément à faire baisser le risque, tout en augmentant la performance.

Cette approche peut paraître un peu contre nature pour un investisseur orienté valeur. Je me suis personnellement beaucoup interrogé à ce propos. Pourquoi vendre un titre, parfois à perte (si le niveau du stop n’a pas eu le temps de monter au prix d’achat), alors que les fondamentaux sont encore bons? Il y a deux raisons qui peuvent expliquer pourquoi cette stratégie fonctionne :

  • Même un titre de société solide peut être malmené durant de longues périodes. En « sortant » de la position lorsque son momentum est mauvais (perte de 20% ou plus), on s’évite généralement une longue traversée du désert. On repositionne ses actifs sur d’autres titres mieux orientés, qui ont de grandes chances de faire mieux que celui qu’on a délaissé. Rien n’empêche d’ailleurs d’y revenir d’ailleurs plus tard. Ceci explique essentiellement pourquoi cette approche permet d’augmenter la performance de son portefeuille.
  • Parfois le titre dévisse pour de très bonnes raisons, qui ne sont pas encore connues par le marché. En sortant de la position à 20%, on limite ses pertes à ce montant. Lorsque les mauvaises nouvelles seront totalement intégrées dans les cours, la chute peut finir par être très brutale. Ceci explique essentiellement pourquoi cette approche permet de diminuer le risque d’un portefeuille.

Bien entendu, cela ne marche pas tout le temps. Tout est ici question de probabilités. La plupart du temps, il vaut mieux sortir de sa position à 20% de pertes. Mais parfois, on va le faire et le titre va remonter très fort juste derrière. Ce n’est qu’en répétant ce principe plusieurs fois dans le temps, sur plusieurs titres, qu’on peut vraiment apprécier la validité ce principe. De plus, pour éviter les faux signaux, il vaut mieux ne pas fixer d’ordre électronique stop loss ou trailing stop loss. Ceux-ci peuvent être utiles pour des traders, qui possèdent un horizon d’investissement à court-terme. Sur le long terme par contre, il y a de fortes chances pour que le marché « disjoncte » à un moment donné, l’espace d’un instant. Le cours s’effondre brutalement avant d’immédiatement remonter. Un déclenchement d’ordre dans ce cas serait évidemment totalement absurde. Pour ce faire, il vaut mieux contrôler sur une base régulière, par exemple mensuelle, si un titre a perdu 20% ou plus depuis l’achat ou depuis son dernier plus haut. Si c’est le cas, alors on le vend « manuellement ». Le seul risque vient alors de l’investisseur, qui ne voudrait pas le faire, pour toutes sortes de justifications.

J’ai personnellement décidé d’intégrer cette démarche il y a quelques semaines à la gestion de mon portefeuille. Six de mes titres en ont fait les frais : Noda, Mory Industries, Sanei Architecture, Nichirin, Tensho Electric et Altria. Les fondamentaux des cinq premiers sont bons et je dois reconnaître que cela m’a fait du mal d’appuyer sur le bouton. Pour Altria, c’était moins difficile, car les fondamentaux étaient mauvais. C’est encore trop tôt pour tirer des plans sur la comète, mais cinq sur six ont continué à suivre une tendance négative après mon ordre de vente. Mory Industries est par contre remonté assez fortement juste derrière. Cinq sur six, cela veut quand même dire que ma décision était bonne dans plus de 80% des cas. D’autant que j’ai pu réallouer le capital dans des titres nettement mieux orientés. J’ai donc non seulement évité d’aggraver mes pertes, mais j’ai surtout en même temps augmenté ma performance. Ce dernier point relativise aussi le regret d’avoir vendu un titre (Mory Industries), qui est remonté droit derrière, car celui que j’ai acheté droit derrière a performé de manière similaire. Je n’ai donc perdu que les frais de courtage.

En bref, si un titre dévisse, nous pouvons dire que :

  • Si les fondamentaux n’ont pas évolué de manière défavorable et que le cours n’a pas chuté de plus de 20%, il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
  • Si les fondamentaux ont évolué de manière défavorable ou que le cours a chuté de plus de 20%, il y a lieu de vendre le titre.

Cette stratégie demande un peu plus de travail qu’une pure approche fondamentale, avec analyse des bilans et résultats une fois par an. Il faut donc être prêt à contrôler l’évolution des cours de ses titres sur une base régulière, soit une fois par mois. Il faut être prêt aussi psychologiquement parlant à se défaire de titres qu’on a achetés pour de très bonnes raisons, raisons qui sont d’ailleurs toujours d’actualité au moment de devoir les vendre. Cette approche est donc nettement plus contraignante non seulement en termes de temps, mais aussi, et surtout,  en termes psychologiques. Cependant, pour peu qu’on y parvienne, le jeu en vaut la chandelle.


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