« RÉFLEXIONS SUR LE BON USAGE DES ETUDES SCOLAIRES »
Texte de Simone Weil (1909 – 1943)
Philosophe, Humaniste, Ecrivaine et Militante politique, (à ne pas
confondre avec Simone Veil (1927 – 2017), ancienne déportée et ministre
de la santé),
Communiqué prononcé lors des Rencontres Nationales en 1942.
Tous les exercices qui font vraiment appel au pouvoir d’attention sont intéressants au même titre et presque également. (…/…)
N’avoir ni don ni goût naturel pour la géométrie par exemple, n’empêche
pas la recherche d’un problème ou l’étude d’une démonstration de
développer l’attention. C’est presque le contraire. C’est presque une
circonstance favorable.
Même, il importe peu qu’on réussisse à trouver la solution ou à saisir
la démonstration, quoiqu’il faille vraiment s’efforcer d’y réussir.
Jamais, en aucun cas, aucun effort d’attention véritable n’est perdu.
Toujours, il est pleinement efficace spirituellement, et par suite
aussi, par surcroît, sur le plan inférieur de l’intelligence, car toute
lumière spirituelle éclaire l’intelligence.
Si on cherche avec une véritable attention la solution d’un problème de
géométrie, et si, au bout d’une heure, on n’est pas plus avancé qu’en
commençant, on a néanmoins avancé, durant chaque minute de cette heure,
dans une autre dimension plus mystérieuse. Sans qu’on le sente, sans
qu’on le sache, cet effort en apparence stérile et sans fruit a mis plus
de lumière dans l’âme. (…/…)
S’il y a vraiment désir, si l’objet du désir est vraiment la lumière, le
désir de lumière produit la lumière. Il y a vraiment désir quand il y a
effort d’attention. C’est vraiment la lumière qui est désirée si tout
autre mobile est absent. Quand même les efforts d’attention resteraient
en apparence stériles pendant des années, un jour une lumière exactement
proportionnelle à ces efforts inondera l’âme. Chaque effort ajoute un
peu d’or à un trésor que rien au monde ne peut ravir.
(…/…)
Vingt minutes d’attention intense et sans fatigue valent infiniment
mieux que trois heures de cette application aux sourcils froncés qui
fait dire avec le sentiment du devoir accompli : « J’ai bien travaillé. »
(…/…)
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