ARBRESÀ Georges Ribermont-DessaignesEn argot les hommes appellent les oreilles des feuillesc’est dire comme ils sentent que les arbres connaissent la musiquemais la langue verte des arbres est un argot bien plus ancienQui peut savoir ce qu’ils disent lorsqu’ils parlent des humainsLes arbres parlent arbrecomme les enfants parlent enfantQuand un enfant de femme et d’hommeadresse la parole à un arbrel’arbre répondl’enfant entendPlus tard l’enfantparle arboricultureavec ses maîtres et ses parentsIl n’entend plus la voix des arbresil n’entend plus leur chanson dans le ventPourtant parfois une petite fillepousse un cri de détressedans un square de ciment arméd’herbe morne et de terre souillée Est-ce... oh... est-cela tristesse d’être abandonnéequi me fait crier au secoursou la crainte que vous m’oubliiezarbres de ma jeunessema jeunesse pour de vraiDans l’oasis du souvenirune source vient de jaillirest-ce pour me faire pleurerJ’étais si heureuse dans la foulela foule verte de la forêtavec la crainte de me perdreet la crainte de me retrouverN’oubliez pas votre petite amiearbres de ma forêt.
Jacques Prévert,
Histoires
(1968).
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