[ Cannes 2018 ] Gueules d’anges et autres héroïnes

Publié le 13 mai 2018 par We Are Girlz @we_are_girlz

Ce samedi au Festival de Cannes, la compétition se conjugue au féminin. Déjà par la présence des films en compétition (Les filles du soleil, Girl…) mais surtout par l’annonce d’une montée des marches historique : celle des 82 femmes du cinéma sur les marches pour prôner l’égalité hommes/femmes.

Le premier film que je verrais aujourd’hui est aussi un film de femmes. Les Eternels de Jia Zhang-ke. Après Au delà des montagnes en 2015, le réalisateur chinois est de retour en compétition. Le film raconte le parcours de Qiao, une jeune femme au cœur de la pègre de Datong, dans la province du Shanxi. Amoureuse ébahie d’un des caïds de la bande, Bin, Qiao sera prête à tout pour lui.

Le film se découpe en trois périodes de leur vie qui débute en 2001. La construction elliptique du film permet de parcourir en 2h20 toute la complexité de leur relation au cœur d’une Chine en pleine transformation. Si l’histoire d’amour est l’élément narratif le plus flagrant, c’est ce décors en perpétuel mouvement qui m’aura le plus marqué. Une Chine obligée de s’adapter face au progrès. Une Chine loin des clichés habituels. Le voyage de Jia Zhang-ke permet de comprendre mieux le pays et les enjeux qui l’entourent. Si le film présente de grandes qualités, il m’aura laissé sur le côté à de nombreuses reprises.

Je retiendrais la performance de Zhao Tao qui, dans ce monde d’hommes, tire toujours son épingle du jeu. Une nouvelle prétendante au Prix d’interprétation ?

Pas le temps de respirer qu’il est temps de repartir dans une salle obscure. Cette fois-ci direction le sud de la France avec Gueule d’Ange. Ce premier film français a l’immense chance d’avoir en tête d’affiche une certaine Marion Cotillard. Elle y interprète Marlène. Maman ratée (ou plutôt qui rate tout) qui fait toujours les mauvais choix. Le plus grave ? Ne pas savoir s’occuper de sa fille de huit ans. Ne pas pouvoir dirais-je même.

Si le film a la bonne idée de s’intéresser à ces familles dysfonctionnelles où les enfants sont livrés à eux-mêmes et n’ont pas d’autres choix que d’imiter leurs parents, il plonge trop vite dans l’excès pour devenir une caricature. Caricature dans laquelle maman regarde les anges de la télé réalité pendant qu’Elie doit se faire à manger seule. Il faut quelques minutes pour se rendre compte que la magie n’opère pas. Que tout est trop gros (le décors sud de la France, les autres enfants méchants, la présence d’une enfant dans une boite de nuit, de l’alcool qui traine à chaque plan, la mère qui laisse sa fille rentrer en taxi pour aller finir la nuit avec un inconnu, le voisin sauvage et mystérieux, la meilleure amie encore plus paumée…) Bref rien ne va. À commencer par Marion Cotillard qui surjoue.

Je sauverais de ce naufrage la jeune  Ayline Aksoy-Etaix qui a tout d’une révélation !

Sortir de la salle pour y re-rentrer quelques minutes après, c’est aussi ça la magie de Cannes. Il est 16h et la prochaine séance commence dans 30 minutes. Je n’ai toujours pas mangé. Mais grâce à l’accréditation Presse, la queue n’est pas aussi longue que pour les festivaliers (merci petit badge jaune que tant de monde dénigre). J’ai donc 10 minutes pour aller chercher une glace et revenir dans la file d’attente. Pas le temps de finir le cornet, que me revoici à monter les marches de Debussy. Changement de programme pour moi qui avais prévu de me diriger vers la Quinzaine découvrir le très acclamé Le monde est à toi de Romain Gavras. Tant pis pour la comédie, j’ai choisi Girl, lui aussi très applaudi à la séance du matin. 1h40 plus tard, je me dis que je ne me suis pas trompée tant le film est une pépite.

Girl, le premier film du belge Lukas Dhont raconte l’histoire de Lara, jeune femme née garçon qui a un rêve : devenir ballerine. Avec une énorme pudeur et une grosse dose de bienveillance, Lukas Dhont se frotte à un sujet casse gueule (bien que très actuel) sans jamais tomber dans les pièges du pathos. On attendait un film larmoyant sur le changement de sexe, on découvre une vie (presque) normale où ce sexe masculin n’est pas un problème pour l’entourage. On se recentre sur la personne, sur Lara, qui doit composer avec cette erreur de la nature jusqu’à l’opération. Le monde de la danse est une parfaite métaphore de ce combat quotidien. D’un corps qui malgré tous les efforts ne se plie pas à la volonté. Un corps qui dérange plus son propriétaire que le monde autour. C’est ça qu’on aura tant admiré dans Girl. Cette manière inédite de parler de genre.

Derrière ce corps et cet esprit, un jeune garçon : Victor Polster, merveilleux en Lara, formidable acteur. Une gueule d’ange, une audace folle, un charisme dingue. Retenez bien son nom !

Voilà c’est tout pour aujourd’hui, je fais l’impasse sur Les filles du soleil (manifestement pas la pire idée du jour) et quitte la Croisière. Demain j’ai rendez-vous entre autre avec Romain Duris et Laetitia Dosch dans Nos Batailles. 

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