Tous s'accordent à dire que la méditation vient d'Orient.
Mais comment dit-on "méditation" en sanskrit ?
Le mot souvent invoqué est dhyâna,nom d'action formé sur la racine -dhî"voir", "regarder", "contempler", "considérer", "comprendre","avoir l'intelligence de".Dhyâna désigne donc l'acte de porter attention à une chose, sur le modèle de la vision. Dhyâna, c'est regarder avec attention. Par extension, c'est contempler avec admiration.L'exemple le plus ancien est la Gâyatrî, un verset du Véda des Hymnes :bhargo devasya dhîmahi"nous contemplons le rayon du dieu"dhiyo yo nah praccodayât"puisse-t-il accroître notre vision/intelligence"L'idée est que la lumière permet de voir,et donc on prie le soleil, source de lumière,de nous aider à voir.Au sens figuré, c'est la lumière de l'intellect,dhî, qui permet de voir clairement, de devenirun "visionnaire" (dhîman).Mais il n'y a pas là l'idée de la pratique de la méditation.Dans certaines Oupanishads, comme la Katha, si ma mémoire est bonne,il est question de dhyâna-yoga pour réaliser le Soi.Mais le contexte montre que ce dhyâna-yoga n'est pas la pratique de la méditation au sens où nous l'entendons aujourd'hui : il s'agit plutôt de contempler l'enseignement des Oupanishads, d'y réfléchir en profondeur et d'absorber ces vérités de tout son être. Il n'y est pas question d'atteindre un état de conscience spécial par la méditation, car pour les Oupanishads, la réalité n'est pas un état, mais l'arrière-plan immuable de tous les états. Du côté du bouddhisme, on voit quelque chose qui ressemble à la méditation. Il faut pratiquer shamatha, "rester calme" d'abord, puis dhyâna, qui est une concentration plus stable, laquelle atteint sa perfection dans le samâdhi. Toutefois, là encore, il n'est pas question de "faire le vide",mais plutôt de se concentrer pour, ensuite, réfléchir aux enseignements du Bouddha et comprendre la vérité.C'est vipashyanâ, la "vision approfondie".L'essentiel n'est pas de maîtriser les pensées, mais bien de comprendre. On compare la concentration au fait de stabiliser la flamme d'une bougie. Ensuite, on se sert de sa lumière pour voir. La stabilité n'est pas un but en soi.Mais dans le bouddhisme plus tardif, les choses ont changé. A côté du courant "intellectualiste" est apparu un autre courant, pour qui la méditation-concentration est tout.Selon cette perspective, un esprit serein, silencieux,est un esprit qui voit, nécessairement, la réalité,et qui est donc délivré des illusions.Ce courant s'oppose donc à la séparation entre la concentration et la compréhension. Pour eux, la vraie concentration-méditation est la vraie compréhension. Ce courant s'illustre par exemple dans le zen (ce mot venant du sanskrit dhyâna).Et c'est de là que vient l'idée de la méditation comme expérience profonde et libératrice, débouchant sur la réalisation, l'éveil, ou comme étant l'éveil lui-même.Dans le bouddhisme tantrique, on trouve ces deux courants.Dans les tantrismes shaiva et vaishnava aussi.Mais dans le tantrisme en général,dhyâna acquiert un sens nouveau :il désigne la visualisation d'une divinité, d'un mantraou d'un "palais" divin (un mandala).C'est pourquoi, bien que le mot dhyâna soit courant dans les tantras, il y est rarement question de méditation.Dans le tantrisme, l'imagination (bhâvanâ) remplace la méditation, qui y tient une place marginale.D'où la surprise des gens qui, par exemple, vont dans les centre tibétains "de méditation" et qui se retrouvent à faire des rituels, des récitations, le tout accompagné de visualisations.Dans la philosophie tantrique de la Reconnaissance, pas de dhyâna au sens de méditation.En revanche, il y a de la méditation.En effet, à côté de la voie de la connaissance, qui ne dépend pas de la maîtrise du mental, il y a la voie du yoga. Mais ça n'est pas le yoga de Patanjali avec sa "suppression des affects" (qui reste l'idéal de la méditation dans la vision populaire, malgré l'évolution réelle des mentalités). Le yoga proposé dans la philosophie de la Reconnaissance est un yoga de la détente. La vision y joue un rôle important. C'est la méditation de Shiva (shiva-mudrâ),où l'expérience est induite par les points-clé de la posture (regard, mains, bouche...), plutôt que par un effort intérieur de concentration.Et pour finir, voici une image traditionnelle de cette approche de la méditation :