Cette après-midi avait lieu le vernissage de l'exposition de cinquante-et-une toiles (ou cartons ou mixtes) de Philippe Jean, au Vieux Pressoir, à Onnens, dans le Nord vaudois, où Michel et Ute Kunz accueillent des artistes depuis cinquante ans.
Au rez sont exposées des oeuvres de Philippe Jean dont les titres sont des invitations à la poésie ou au voyage et représentent des paysages informels:
Les étoiles nous attendent
Le ciel nous regarde
Partirez-vous seul ?
Au-delà de l'herbe
etc.
C'est à la cave que se trouvent les têtes, ces oeuvres entêtantes, où se mêle l'ombre à la lumière et vice-versa, qui semblent comme hallucinées et peuvent donc inquiéter, si l'on ne prend pas la peine de les apprivoiser dans sa tête.
Au rez, des "paysages informels"
Il faut dire que l'artiste a commencé, il y a vingt ans, à faire ces têtes avec sa senestre, quand sa dextre était hors d'usage à la suite d'une chute de ski... Ce qui explique peut-être cela... mais montre surtout que l'artiste est mu par le besoin irrépressible de créer.
Avant de donner la parole à Gil Pidoux, qui lira un extrait du magnifique texte qu'il a publié, à l'occasion de cette exposition, dans le numéro d'avril-mai 2018 de Pharts, Philippe Jean fait à l'assistance une recommandation, qui fut un jour papale: N'ayez pas peur!
Il lui donne même le mode d'emploi de Gil Pidoux: Je leur ai tourné le dos, non pour les mépriser mais, me retournant, pour les surprendre. Ce sont elles, ces têtes qui m'ont surpris, elles qui ont durement bousculé ma façon de les regarder...
A la cave, les "Têtes"
Du texte inspiré de Gil Pidoux, il convient ici de retenir quelques bonheurs d'expressions.
Il dit de ces têtes qu'elles représentent une hallucinante peuplade préhistorique et présente. Autrement dit: elles sont des premiers âges autant que d'aujourd'hui.
Il voit en elles des totems de la stupeur et de l'effroi.
Il voit chez Philippe Jean la volonté de répéter l'acte insensé de la création, c'est-à-dire d'expulser de son crâne, le cri de la terreur et de la joie...
De plus, il se dégage de ces visages une impalpable spiritualité, qui ne méprise pas le réel:
Que l'on fixe un instant la cavité de l'oeil, anfractuosité dont on pourrait croire le regard absent, on est soudain regardé, fixé, avec une insoutenable acuité...
Philippe Jean et Gil Pidoux
Les Déracinés: "un gamaret garanoir d'exception"
C'est le verre à la main que Philippe Jean a donné la parole à Gil Pidoux. Rien ne plus normal en ces lieux dédiés à l'art et au vin, qui est lui-même le fruit de tout un art.
Avec un vigneron d'Onnens, Didier Gaille, Philippe Jean a d'ailleurs créé un gamaret garanoir d'exception, qu'ils ont baptisé Les déracinés et dont l'étiquette reproduit chaque année une nouvelle Tête de Jean depuis vingt ans.
Didier Gaille disparu, son fils Camilien Gaille a pris la relève et l'élevage du vin continue avec une originale Tête de Jean pour symboliser chaque millésime.
Comme un art peut en cacher un autre, le vernissage se poursuit en musique, tandis que de franches lippées et une joyeuse verrée favorisent les conversations...
Francis Richard
Exposition précédente:
Tête à Tête, Philippe Jean, à la Galerie du Château, à Renens (2017)
Le vernissage se poursuit en musique...