Il convient d'emblée de présenter l'auteur, qui, contrairement aux apparences, ne s'appelle pas Françoise Deville. C'est en effet une demeure particulière qui tient la plume, ce qui prouve que les murs peuvent avoir des oreilles et même des yeux.
Ce château de femmes n'a pas peur du moi qu'un Blaise Pascal disait haïssable. Il ne s'est pas gêné et a intitulé son livre: Moi la Malmaison, titre qu'il a d'ailleurs fait suivre d'un sous-titre éloquent: L'amie intime de Joséphine (pendant quinze ans).
Dans son prologue, la Malmaison dit: Mon nom n'est pas un appel au bonheur. Nous pensons que je fus un lieu de brigandage durant le Haut Moyen Âge. Ce nom pourrait aussi venir de l'activité première de la ville, la prise en charge des malades.
La Malmaison est intime avec Joséphine, mais pas seulement. Elle l'est aussi avec ses proches, à commencer par Bonaparte, puis ses enfants, Eugène et Hortense. C'est pourquoi elle ne craint pas de les tutoyer, de les rendre proches du lecteur.
Cette demeure est bien documentée. Elle ne s'est pas contentée d'écouter et de regarder. Elle a beaucoup lu. C'est surtout son affection pour ses protagonistes qui lui a permis de leur redonner vie: ils ne sont pas seulement proches, ils sont attachants.
Comme elle les aime vraiment, elle les aime comme ils sont, avec leurs qualités, leurs défauts. Ainsi les idéaux de Napoléon ne sont plus hélas ceux de Bonaparte. Ainsi Joséphine est généreuse, mais elle dépense vraiment sans compter, follement...
A l'origine elle ne s'appelle pas du tout Joséphine, mais Rose, pour être exact Marie Joseph Rose Tascher de la Pagerie. C'est Bonaparte qui lui a offert ce prénom, qui est en quelque sorte une déclinaison du véritable, Marie Joseph. Pourquoi?
Il t'a connue Rose de Beauharnais. C'est comme s'il souhaite effacer le passé et que tout recommence avec lui. Il adopte tes enfants en se comportant comme un père avec Eugène et Hortense, mais si on y regarde de plus près avec l'entrée de Bonaparte dans la famille Beauharnais, le souvenir d'Alexandre [son premier époux] est effacé.
S'il est question de politique, inévitablement, dans ce livre, c'est pourtant l'histoire d'un amour que le lecteur retiendra, ce qui lui évitera d'entrer dans de vaines querelles. Car, en dépit de leurs infidélités et de leurs jalousies, ils se seront toujours aimés.
L'infécondité de Joséphine aura raison de leur couple mais pas de leur amour-amitié. Et leur séparation sera paradoxalement la plus grande preuve d'amour qu'elle lui donnera: ce sacrifice que dicte la raison d'État ne sera pas vain puisque l'Aiglon naîtra...
L'année 1814 sera funeste: Tu vas mourir avec l'Empire, toi, l'étoile de Napoléon, t'éteins de tes derniers feux lors du crépuscule de l'Aigle. Mais le commencement de la fin n'était-ce pas ce jour de novembre 1809 où Joséphine et Napoléon se séparèrent?
Francis Richard
Moi la Malmaison - L'amie intime de Joséphine, Françoise Deville, 288 pages, Éditions de la Bisquine