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Réflexions sur la Honte, de Michaël de Saint-Cheron

Publié le 16 mai 2018 par Francisrichard @francisrichard
Réflexions sur la Honte, de Michaël de Saint-Cheron

Michaël de Saint-Cheron a mis deux textes en épigraphe, et en exergue, de ses Réflexions sur la Honte, l'un est extrait de Thèses sur le concept d'histoire de Walter Benjamin, l'autre des Antimémoires d'André Malraux.

Dans le premier extrait, Walter Benjamin parle du tableau de Klee qui s'intitule Angelus Novus: cet ange est poussé par une tempête vers l'avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s'élève jusqu'au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.

Dans le deuxième extrait, André Malraux parle de l'orgueilleuse honte de Rousseau et de la pitoyable honte de Jean-Jacques: il s'agit pour lui d'une métamorphose, celle d'un destin subi en destin dominé.

Prologue

Dans son prologue, l'auteur explicite pourquoi le premier extrait: nous inaugurons bon gré mal gré une nouvelle période que beaucoup déjà nomment postmoderne. Rien ne sera plus comme avant après Auschwitz.

Dès lors Levinas parle d'un temps sans promesse. Vassili Grossman surenchérit et, de plus, parle d'un Dieu sans secours.

Tout cela n'est guère encourageant: il s'agit bien là d'une thématique lourde.

Le nom de Kafka  est incontournable, lui qui se posait la question du sens, de l'impossibilité de parvenir à destination dans un monde moderne impitoyable. Mais ce visionnaire voyait encore dans la littérature, dans l'art une possibilité de rachat.

Chez Primo Levi, cette possibilité de rachat disparaît: il ne voit pas comment concilier Dieu et Auschwitz. L'auteur pense avec lui que le seul fait qu'Auschwitz ait pu exister devrait interdire à quiconque, de nos jours, de prononcer le mot de Providence.

La honte

La honte, c'est, pour Levi, d'avoir connu ce que nul ne peut connaître et rester en vie.

La honte, c'est, pour Kafka, via son personnage du Procès, Josef K., la honte d'être un homme, en raison de l'existence d'un tribunal occulte et corrompu, qui est un tribunal humain, non divin...

La honte, selon Rousseau, n'a rien à voir. Il s'agit d'une honte individuelle: A vouloir s'épargner la honte publique n'est-il pas frappé par la honte privée, plus lourde parfois à évacuer ?

La honte, selon Levinas, s'éprouve vis-à-vis d'autrui: C'est pour l'Autre que l'on a honte de soi, car nous n'avons pas été à la hauteur de son attente, de notre mise à l'accusatif.

Le témoin

Pour donner au lecteur matière à réflexion et pour nourrir les siennes, l'auteur fait deux citations:

Appelfeld: Si nous ne sommes pas témoins, qui témoignera ?

Celan: Nul ne témoigne pour le témoin.

Car il fait encore partie (il est né en 1955) de ceux qui sont témoins des témoins...

Épilogue

De ce livre dense, qui aborde nombre de problématiques en rapport avec la Honte, qui se réfère à nombre d'auteurs - philosophes, écrivains et poètes - il ressort que le deuxième extrait mis en épigraphe, celui d'André Malraux, en est, en filigrane, le fil conducteur.

Le lecteur retiendra en effet - même si, ici ou là, il pense différemment -, que ces auteurs, ainsi que des êtres d'exception - Michaël de Saint-Cheron raconte Geneviève de Gaulle Anthonioz - ont su métamorphoser "un destin subi en destin dominé".

Grâce à eux - l'auteur leur en sait gré -, il peut écrire qu'une honte subie s'est métamorphosée en un combat pour rendre aux victimes de la honte et de l'opprobre, de l'exclusion, leur honneur et leur dignité.

Francis Richard

Réflexions sur la Honte, Michaël de Saint-Cheron, 190 pages, Hermann


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