Oui, nous sommes un pays riche. Mais nous sommes aussi un pays où l'on meurt faute de moyens. De moyens individuels du moins. Et cela vient d'arriver à nouveau.
Un patient assuré, ou censé être assuré, dans le canton des Grisons, avait été inscrit sur la liste des mauvais payeurs. Les fameuses "listes noires". Primes impayées, dettes: il s'en trouvait réduit à la couverture des soins "urgents" par son assurance maladie. On ne retire pas tous les soins. L'accès à l'aide d'urgence demeure garanti. Sans doute cela semble-t-il permettre d'éviter de laisser des personnes sans aide essentielle. Sauf que cela ne suffit pas. Dans le cas de ce patient, lorsqu'un SIDA se déclare, il se voit refuser le traitement de cette maladie, aujourd'hui pourtant parfaitement contrôlable. Pas assez urgent lui dit-on. Lorsque son cas devient suffisamment aigu pour "mériter" d'être pris en charge, il est trop tard. Il décédera.
Si l'on se demande ce qui est rageant dans cette histoire, il y a plusieurs couches.
Mourir d'une maladie traitable dans un pays riche, bien sûr cela choque à juste titre. Ce n'est en plus pas seulement l'assurance du patient qui lui a refusé l'accès aux soins, c'est l'ensemble du système de santé. En théorie du moins, d'autres auraient pu lui fournir les médicaments.
Il y a bien sûr aussi la mise en priorité de la santé financière sur l'existence humaine. Un problème récurrent, celui-là. Chaque fois que cela arrive, c'est la même contradiction entre les convictions que nous proclamons et les actes que nous posons.
Pour aggraver encore la chose, tout cela se fait au nom d'une pratique, celle de la mise en liste noire, qui est critiquée non seulement sur sous l'angle éthique mais même sous l'angle économique. Il semblerait que mettre en liste noire les mauvais payeurs de primes ne permette même pas d'économiser d'argent.
En d'autres termes, tout ça pour ça. Espérons que cette histoire fera au moins revoir la pratique des listes noires. Dans les Grisons, la fin du système est désormais annoncée. Ailleurs ce n'est cependant pas sûr du tout. Un dossier à suivre, donc.