Baieta Julia Sedefdjian

Par Gourmets&co

Une intuition des saveurs de la mer incroyable

Espérons qu’elle ne nous fera pas de procès pour harcèlement, mais ca fait un moment que l’on avait cette chef dans le collimateur, pressentant en elle une des chefs majeures de sa (jeune) génération. Donc, on la suit partout et on n’est pas près de la lâcher.

Première rencontre aux Fables de La Fontaine, à Paris, où sa cuisine et ses préparations de poissons avaient ému sinon bouleversé tous les gourmets de la capitale, jusqu’u Michelin qui lui donnera sa première étoile faisant d’elle la plus jeune femme chef étoilée à 21 ans et des poussières. Timide, discrète, première surprise d’un tel engouement sur sa personne, elle resta longtemps la jeune fille fraichement arrivée de Nice sa ville natale.

L’envie lui prit alors, évolution inévitable, de voler de ses propres ailes et d’ouvrir son propre restaurant. C’est chose faite en lieu et place de l’ancien Itinéraires, un restaurant et son chef Sylvain Sendra que l’on est pas près d’oublier. Fidèle et prudente Julia Sedefdjian a pris avec elle deux hommes essentiels de son équipe : Gregory Anelka en directeur de salle, efficace et souriant, et Sébastien Jean-Joseph comme second de cuisine. Confiance, complicité, talent, roulez jeunesse…

Baieta, tout le monde, ou presque, sait maintenant que cela veut dire bisous en patois niçois. Une fresque mignonne comme tout, dessinée sur les murs du restaurant, le prouve à l’envie. Le relookage de la salle, à l’extérieur comme à l’intérieur, est une réussite. Clarté, lumière, soleil, on retrouve les codes et les goûts de la patronne, qui se font plus tamisés le soir venu. Sobriété des tables, des couverts, et du style général. On a compris que l’important ici, c’est l’assiette. Et elle l’est !

Belle carte, riche et claire, appétissante en diable, composée de cinq choix par parties. On y retrouve certains plats, déjà classiques de Julia, des produits de la mer bien sûr mais pas que. Poitrine de cochon caramélisée, langue de bœuf en carpaccio, paleron en garniture pot au feu, et consommé épicé sont bien présents et montrent la maitrise et la versatilité de la chef.

En préambule, prémonitoire en quelque sorte et fidèle à ses racines, la chef envoie une simple pissaladière, olives, anchois et oignons, d’une légèreté et d’une évidente force de goût absolument étonnante. Puis, un Bouillon de butternut léger comme une plume au vent… Dernière saveur de l’hiver finissant. Elle fait aussi son beurre parfumé discrètement au fenouil sec et au poivre. Comme tous les chefs qui font leur beurre (…), c’est le plus souvent dans la texture trop crémeuse que le bât blesse.

Entrée en fanfare avec un Cannelloni de pommes de terre, croustillant de moules, velouté iodé au curry vert. Vous avez dit terre/mer ? Vous avez raison : une construction subtile, travaillée dans une harmonie impeccable. Tout le monde dans l’assiette est heureux de se rencontrer. Riche et étonnant.

Petit (quoique) chef d’œuvre que cette variation sur le cru et le cuit d’un haddock, accompagné pour le goût et la couleur, par des jeunes poireaux en vinaigrette d’algues, et surmonté comme un couvre chef par un jaune d’œuf croustillant. Et boum. Le talent pur.

Le Pavé de cabillaud aux coquillages est parfumé à souhait, d’une cuisson irréprochable qui garde toute sa force au poisson. Par contre, la fregola sarda qui l’accompagne est un peu trop chargée en olives noires qui s’emparent du plat un peu violemment. Le délicat nuage d’ail confit atténue un peu l’ensemble.

Vient enfin la fameuse Bouillabaieta, version personnelle de la bouillabaisse marseillaise. Il y en a qui la sophistique à outrance en y perdant l’esprit original, comme celle de Gérald Passédat à Marseille, mais Julia la transforme légèrement en la rendant plus proche de nous, si j’ose dire.
Servie à l’assiette, mais rouille savoureuse et tranche de pain grillé by the side, c’est une soupe crémée, pleine de saveurs épicées et légèrement iodées, et qui habite en son sein la pêche du jour à savoir lotte, Saint Pierre, et rascasse ce jour-là. Riche, copieuse, et belle comme un jour ensoleillé sur la baie de Nice.

Dessert d’exception avec un Sablé au fenouil, crème citronnée, légère de mascarpone et sorbet citron/pastis. Un mélange subtil des saveurs d’agrumes et anisées. Une réussite parfaite, tout en finesse et en fraicheur.

Accueil et service présent et sympathique à souhait, rythme impeccable, carte des vins à peaufiner mais bon choix de vins au verre de 7€ à 11 €.

Voila. Julia Sedefdjian prend son envol, doucement mais sûrement. Elle possède une intuition des saveurs de la mer incroyable, associée à un talent qui s’épanouit à vue d’œil. Une étoile est née… et c’est une bien bonne nouvelle. Comme je le disais, on n’est pas près de la lâcher.

5, rue de Pontoise
75005 Paris
Tél : 01 42 02 59 19
www.restaurant-baieta-paris.fr
M° : Maubert-Mutualité ou Cardinal Lemoine
Fermé dimanche et lundi

Menu déjeuner : 29 € (2 plats)
Menu Initiation : 45 € (4 services) déjeuner uniquement
Menu Baieta : 85 € (7 services) pour la table.
Carte : 60 €, environ