Au plafond de la chapelle Sixtine, la célèbre fresque de Michel-Ange représente la création d’Adam.
Dieu tend la main droite et Adam la main gauche, dans une sorte de symétrie majestueuse. Pour Michel-Ange, Dieu est blanc, et il est écrit qu’Adam est à son image.
Thierry Tan Sio Po reprend ce symbole des mains qui se tendent l’une vers l’autre et y ajoute un fruit. La main droite est toujours claire, mais la seconde est au fusain. La main gauche ne reçoit plus, elle donne. Elle offre un fruit charnu qu’elle tient par le pédoncule, comme une belle cerise appétissante.
Avec, en arrière-plan, la végétation tropicale, l’oeil averti reconnaît rapidement le petit piment rouge qui brûle le novice.
Adam, en son temps, céda à la tentation du fruit défendu, entraînant avec lui l’humanité dans une irréversible chute. Imaginons un peu que, dans son jardin vert, il trouvât un étrange fruit dont même l’Eternel ignorât les dangers… Il arrive parfois qu’un fils empoisonne son père…
S’il ne s’agit pas là d’Adam et de son créateur, peut-être est-ce un esclave face à son oppresseur ? Le fruit renferme-t-il une possibilité de changer de destin ?
Les tableaux de Tan Sio Po opposent nettement la peinture et le dessin. L’acrylique et le fusain évoquent le moderne et l’ancien, le présent et l’Histoire. Sur certaines toiles, le métal rouillé côtoie l’inoxydable et le neuf se mêle à l’usé.
L’artiste questionne l’identité des peuples déportés en juxtaposant l’effet brut du charbon et les boiseries dorées des intérieurs parisiens, les racines profondes d’une culture séculaire et l’éphémère d’une végétation qui se reproduit vite.
Les grandes feuilles tropicales semblent peintes à l’éponge trempée et dégoulinent comme une forte pluie des Antilles sur une vitre tiède. Les plantes s’arracheront peut-être à la prochaine tempête, mais elles repousseront sans tarder car elles ont leurs racines bien ancrées dans la terre.
La puissance de vie des personnages de Tan Sio Po est évoquée par leur posture et leur force physique. Ils dansent, ils marchent, ils posent fièrement. Ils existent, ils s’assument. Ils ont du caractère, Ils luttent et se débattent entre sentiment de soumission et désir d’indépendance. Ils ont des choses à faire, ils ont l’air pressé. Ils doivent sans cesse construire et reconstruire, préserver et avancer.
Les accessoires futiles des femmes d’aujourd’hui masquent la rudesse de la vie d’autrefois. Le costume du notable et les bijoux de Madame sont comme une précieuse clé, celle qui ouvre la porte d’un futur apaisé.