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Alain Mabanckou : Petit Piment via une écoute sur Audible

Par Gangoueus @lareus
Alain Mabanckou : Petit Piment via une écoute sur Audible
Tout commence dans un orphelinat quelque part dans les environs de Pointe-Noire à Loango. Je pense. Parce que voilà je viens de terminer mon écoute du roman Petit Piment d’Alain Mabanckou sur Audible. Mon écoute n’a pas été continue. Près de 6 heures de narration réparties sur deux semaines, ça entraine plus de difficulté pour retenir certains détails de la narration. Avec l’écrit, on a vite faite de rouvrir le livre et retrouver un indice. Vous avez compris que mon commentaire portera tant sur l’expérience de l’écoute « offerte » par la filiale d'Amazon de l’ouvrage de Mabanckou que par sa qualité littéraire.

Parlons de l’histoire lue d’abord

Alain Mabanckou dans son dernier roman conte l’histoire de Moïse de sa naissance à la fin de sa vie. Une vie entière.  La naissance et l’abandon. Le nom kilométrique ( donné par le père catholique qui l’a recueilli ?). Un nom avec tout son sens. Moïse, un orphelin sauvé des eaux et épargné par la condition d’esclave des israélites en Égypte. Le Moïse biblique. Le Moïse d’Alain Mabanckou est moins heureux. Mais, il est entouré de personnes sensibles. Ce père Moupelo - tous les prêtres catholiques semblent s’appeler Moupelo dans les romans de Mabanckou comme dans « Et Dieu seul sait comment je dors », Moupelo étant une variante congolaise de Mon Père… - tient un orphelinat créé des âmes charitables. L’équipe initiale est attentionnée. Mais le temps passant, le Congo évoluant dans sa phase marxiste, les choses se dégradent. Des personnages importants au côté du Petit Moïse disparaissent comme le prêtre ou une assistance qui a encadré le jeune garçon. C’est le règne des opportunistes qui s’installe incarné par Dieudonné NgoulMouMakon, un Bembé. Il est la parfaite caricature de l’apparatchik exclu du système qui trouve dans la nomination à la tête de l’orphelinat, l’occasion d’exercer sa tyrannie sur le micro-état que constitue l’orphelinat. Le regard de Petit Moïse se porte sur les pensionnaires. Il y a un côté Candy et Tom Sawyer dans les rapports parfois complexes existant les orphelins. Amitiés, rapports de force. Tout cela est narré avec la voix de l’enfant qu’est Moïse. Entre les dominants et les dominés.
Les différentes étapes de la vie de Moïse sont ainsi décrites. L’adolescence se déroule dans les rues de Pointe-Noire et dans les étals, la nuit, du grand marché. Banditisme, vols à l’arrachée, nombre de ces jeunes sont passés par l’orphelinat. La rue y est décrite comme n’importe  quel endroit. C’est le game comme disent les gens des ghettos nord américains. Et comme chaque fois, Moïse use de stratégie pour survivre à cet environnement violent. Il est le petit de confiance d’une maquerelle dans le quartier 300 déjà évoqué dans le roman Lumières de Pointe-Noire. Alain Mabanckou continue une narration déjà entamée sur la marge au Congo Brazzaville. Les orphelins, les enfants de la rue, les prostituées, les fous…Moïse est devenu entre temps Petit Piment. 

Parlons de la lecture d’Alain Mabanckou

Alain Mabanckou : Petit Piment via une écoute sur Audible

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La particularité de cette écoute repose d'abord sur le fait que le livre est à la fois écrit et lu par le
romancier congolais.  Et je dois dire que l’auteur lit remarquablement bien ce livre. Il jubile. Il invente des voix très variées. L’accent singulier de l’écrivain ancre son texte à Pointe-Noire. Les dialogues sont savoureux. Mais il faut accepter le rythme de cette voix joyeuse et qui retransmet les étapes de la vie de Petit Piment - version africaine du Petit Jean de Robin des bois - et de ses acolytes. Lecture qui porte des sarcasmes et des rires déjà observés dans d'autres romans comme Verre cassé. Lecture qui porte certaines descriptions grotesques, caricaturales telles que les clichés du Bembé mangeur de porc et de chat, du Batéké mangeur de chiens (je découvre cette dimension)...  L'écoute de ce Congo marxiste dans les années d'enfance du Petit Moïse m'a fait penser à un classique de la littérature africaine Jazz et vin de palme d'Emmanuel Dongala qui avait croqué ce Congo dans certaines de ses nouvelles. Pour revenir à ce roman et sa lecture, la fin douloureuse du personnage central est à l'image de la dérive du Congo. Les marginaux y sont de plus en plus exclus. Peut être me direz-vous que la situation n'est propre qu'à ce pays aux ressources si nombreuses. Que les enfants de la rue ne sont pas un phénomène localisé qu'à Pointe-Noire... Je retiens les îlots d'amour rencontrés par Petit Piment. Moupelo, un prêtre. Mama Fiat 500, une prostitué. Bonaventure, un orphelin. Le reste est si complexe. Bonne écoute ou bonne lecture.
Alain Mabanckou, Petit Piment
Audible, Editeur Sixtrid, lecture assurée par l'auteur, durée 5h55, première parution en mars 2016

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