La deuxième (nouvelle) métaphore dans un monde digital concerne les organisations et invite à les regarder comme des conversations. Une évidence ! Tout comme le « Manifeste des Evidences ou la fin du business tel que nous le connaissons » revendiquait déjà il y a presque vingt ans que les marchés étaient devenus des conversations et derrière ces conversations, il y avait des êtres humains (pas uniquement des segmentations). Dans la même lignée, Bryan Kramer popularisait en 2014 le nouvel acronyme H2H dans son livre « Il n’y a plus de B2C ou de B2B, seulement du H2H : Human to Human ». Son crédo ? Remettre de l’humain au coeur de la communication, de l’empathie et de la simplicité.
La plupart des entreprises rencontrent désormais ce même défi : « remettre l’humain au coeur » pour plus d’engagement et de performance. Aborder son organisation sous le prisme des conversations peut clairement accélérer la réflexion et l’action : « Pour une entreprise, accéder à l’excellence, dépend de la qualité de la culture, qui dépend de la qualité des relations, qui dépend de la qualité de conversations. Tout arrive par des conversations.» Judith E. Glaser, anthropologue d’entreprise et auteur de “Conversational Intelligence: How Great Leaders Build Trust and Get Extraordinary Results” (2013).
Tout arrive par des conversations car elles incarnent le socle et l’écho d’une culture, de valeurs et d’ambitions. Elles sont le levier et le creuset de l’interaction, de l’engagement, de l’innovation et des transformations et vont donc bien au-delà d’un simple échange d’informations.
Il est donc grand temps de repenser le rôle et l’impact des conversations (réelles ou virtuelles) au sein des entreprises pour qu’elles jouent leur rôle transformationnel.
J’illustrerai le lien entre conversation (réelle) et culture d’entreprise avec l’exemple des réunions.
« Le message le plus fort sur la façon dont vous voulez que votre culture fonctionne est intégré dans la manière dont vous menez vos réunions. Lorsque vous voulez développer une vraie culture d’entreprise, vous ne pouvez pas ignorer comment vos pratiques de réunion favorisent ou inhibent la culture que vous désirez instaurer. » Bob Pothier ancien dirigeant de GE
La culture d’une entreprise est souvent considérée comme «la façon dont nous faisons les choses ici ». C’est l’ensemble des croyances et des comportements qui orientent les gens dans leur façon d’agir et d’interagir au quotidien. Lorsqu’un nouveau collaborateur rejoint votre entreprise, il se peut qu’il apprenne les valeurs et la culture de votre organisation pendant le processus d‘intégration, mais il connaît également la culture existante dans ses interactions quotidiennes.
Or, une des interactions et temps de conversation qui revient très fréquemment en entreprise…c’est la réunion. Tout le monde a en tête le fameux chiffre des 16 années passées en réunion dans une vie de cadre, chiffre calculé en 2013 par l’Institut des Hautes Etudes de l’entreprise alors que les cadres déclaraient être chaque jour en réunion pendant trois heures et 16 minutes.
A cela s’ajoute le niveau de satisfaction de ce temps de réflexion collective (je crois que l’on peut ici parler d’insatisfaction) : 3/4 pensent que les réunions sont improductives et inefficaces (voir article de la HBR avril-mai 2018 « halte à la folie des réunions« ).
Concrètement, imaginons qu’une entreprise déclare «la transparence» comme valeur d’entreprise. Comment cela se manifeste-t-il dans les réunions ou conversations réelles ?
> Les personnes invitées à une réunion savent-elles : Savent-elles en quoi consiste la réunion ?
> Savent-elles quels résultat la réunion est destinée à atteindre ?
> L’animateur de la réunion partage-t-il l’information en temps opportun ?
> Les participants se sentent-ils en confiance pour partager leurs idées ?
> Les résultats des réunions et les décisions sont-ils disponibles pour les personnes qui ne se sont pas rendues à la réunion ou sont-elles uniquement accessibles à un groupe restreint de personnes ?
> etc…
Si les réponses à ces questions sont pour la plupart non, vous pouvez réexaminer si la valeur de la «transparence» est réellement encouragée dans les conversations quotidiennes comme les réunions. Cela présente l’opportunité de mettre en œuvre des pratiques qui supportent cette valeur, au lieu de la « saboter ».
Dans les organisations, beaucoup de temps est consacré à traduire les valeurs dans des comportements au quotidien. il semble vital de raisonner en pour qualifier ces comportements dans chaque moment de conversations (feedback, animation de projets, parcours…).
LE TEMPO DES CONVERSATIONS : Quelle que soit leur durée, les conversations sont toutes essentielles !
▧ Rapides (30 secondes) sous la forme d’une question,
▧ Courtes (15 mn à 30 mn) sous la forme d’une réunion en 1-à-1 ou en équipe
▧ Longues (une demie journée, un jour ou en pointillé sur plusieurs mois), sous la forme de projets…
LES 5 PILIERS D’UNE CONVERSATION : authenticité, liberté, égalité, fraternité, utilité
1.L’authenticité (l’intention de la conversation ou le « pourquoi »)
2.Qui requiert des espaces de liberté et de sécurité (pour permettre l’existence et le partage)
L’exemple des Réseaux Sociaux d’Entreprise (ou lieux de conversations virtuelles) éclaire bien cette exigence.
L’étude menée par l’Institut de gestion sociale IGS-RH sur les Réseaux Sociaux d’Entreprise (novembre 2017) révèle que 58% des grandes entreprises françaises ont déjà installé ce mode de communication, mais un Réseau Social d’Entreprise aurait tendance à reproduire les hiérarchies internes. « Au lieu de provoquer des connexions entre individus d’équipes variées, les réseaux sociaux d’entreprise se superposent aux canaux hiérarchiques existants. Ils ne développent pas les interactions collaboratives, spontanées et décloisonnées entre les salariés qui étaient pourtant leurs premiers objectifs » explique son auteur, Jean Pralong de l’IGS-RH.
3.Egalité (le co ou statut) qui ne signifie pas penser tous la même chose mais où chacun se positionne au même niveau que les autres.
4.Fraternité (relation développée et sentiment de lien, d’appartenance) qui ne signifie pas l’harmonie totale mais la confiance, l’empathie, l’écoute et l’ouverture inconditionnelle aux idées des autres.
5.Utilité (résultat/impact) : énergie, nouvelle vision du monde, changement, solutions.
A ces critères peuvent s’ajouter celui de contrainte de temps, sciemment posée, pour redonner paradoxalement du temps !
N’EST-CE PAS DÉJÀ LA PROMESSE DES ENTREPRISES LIBÉRANTES, CES NOUVELLES CONVERSATIONS ?
Oui et non. Oui leurs visions permettent de structurer de nouvelles conversations plus participatives avec des objectifs clairs (décision, discussion..) et des temps dédiés…et non pour deux raisons : le risque est grand d’appliquer le processus de conversations proposé tel quel, sans adaptation, et de ne pas introduire de nouvelles conversations comme, par exemple, des « Questions qui Méritent d’être Partagées » (je détourne le slogan des conférences TED bien sûr !)
Pourquoi c’est important d’introduire de nouvelles conversations de ce type ? Parce que bon nombre de bonnes réponses sont apportées à de « mauvaises « questions. J’entends par « mauvaise question », des questions qui sont toujours les mêmes « Comment améliorer la performance? » ou qui reviennent. Si elles reviennent, cela signifie certainement que les réponses apportées n’ont pas été assez pertinentes (au-delà d’un changement de contexte éventuel).
Donc, pour rester sur mon cas de « Questions qui méritent d’être partagées », on peut imaginer d’autres questions sur la performance lors d’une conversation sur de nouvelles questions à se poser :
1. Comment les facteurs liés à l’environnement de travail accélèrent-ils ou freinent-ils la performance?
2. Comment la formation accroît-t-elle ou freine-t-elle la performance?
3. Comment notre façon de travailler accroît-elle la motivation personnelle ou non ?
4. Comment notre capacité à innover nous aide à garder une longueur d’avance ou non ?
etc…
Dans ce dernier point sur les nouvelles conversations à créer, soyez créatifs car pour toutes les autres (conversations) un chabot sera plus performant que vous