Je ne sais plus qui m’a dit que le troisième tome de L’amie prodigieuse était meilleur que le deuxième qui m’avait laissé sur mon appétit. Et bien, cette personne avait raison. Enfin, le récit sort du cercle entêtant de l’amitié sado-masochiste de Lila et d’Elena. Pas tant qu’il en sorte, en fait, mais l’espace qui sépare les deux jeunes femmes crée l’occasion de les mettre en scène dans d’autres décors, de varier le tableau qu’on observe derrière elles. Et quel tableau!
Les villes détruites par le feu, les morts dans les rues, la fureur et l’ignominie des conflits non seulement contre l’ennemi de classe, mais aussi au sein du même front, entre les groupes révolutionnaires de différentes régions et de différentes tendances, tous au nom du prolétariat et de sa dictature! Peut-être même jusqu’à la guerre nucléaire.
Je fermais les yeux, terrorisée. Mes filles, leur futur.
Tandis que Lila arrive à sortir de sa létale usine de charcuterie pour enfin connaître une embellie, Elena vit des hauts et des bas, sur le plan sentimental comme professionnel. Elle qui ne voulait pas d’enfant trop vite se retrouve avec deux petites qu’elle aime, bien sûr, mais qui la confrontent à un rôle en contradiction avec son cheminement intellectuel. Si la société est bouleversée par des crises politiques et culturelles majeures, Elena l’est tout autant. Ses assises, fragiles depuis toujours, sont mises à rude épreuve. Pour elle, le but ultime reste toujours de s’extirper, sans succès, du quartier qu’elle a pourtant quitté, mais qui sans cesse la rappelle à lui.
Pour l’une comme pour l’autre, des amitiés se font et se défont, certains des noms de leur enfance se sont évanouis, d’autres surviennent quand on ne les attendait plus, pour le meilleur et pour le pire.
Oui, j’ai bien aimé ce troisième tome. Poursuivons.
Elena Ferrante, Celle qui fuit et celle qui reste. L’amie prodigieuse III, Gallimard, 2017, 517 pages