de Yuval Noah Harari
Essai - 460 pages
Editions Albin Michel - août 2017
On pressent que le société moderne actuelle préfigure de grands changements par le numérique. L'auteur Yuval Noah Harari veut en décrire les basculements et les modifications à venir, nous faisant passer de Homo Sapiens sapiens à Homo deus, un Dieu qui aura acquis des superpouvoirs sur la Nature et sur lui-même. Mais qui peut générer des entités d'intelligence artificielle qui le surpasseront, et l'Homme pourrait devenir un animal (domestique) pour le pouvoir artificiel... Homo sapiens a, on peut le dire, conquis le monde, en s'attribuant des qualités, des savoirs, des compétences, et même une âme et une conscience qui surpassent ceux de tous les autres êtres vivants. Il a ouvert la voie à sa propre religion : l'humanisme, où tous les fonctionnements des sociétés sont basés sur la croyance en la qualité suprême de l'être humain, en son pouvoir de discernement et à ses connaissances illimitées.Mais qu'en est-il déjà des catégorisations sociétales que nous faisons ? On a tous appris la répartition au fil du temps moderne entre les emplois agricoles, industriels et de service. D'une proportion plus équilibrée, les avancées techniques ont conduit à un glissement vers les emplois de services qui créent les valeurs ajoutées de maintenant. Mais qu'en sera-t-il lorsque les algorithmes remplaceront toutes les tâches de service, de planification, de diagnostic médical, de conduite assistée, de tri, de décision, de création culturelle.... ? Même les emplois de service n'auront plus leur pertinence économique. Et si l'Homme atteint l'immortalité, cela ne sera réservé qu'aux plus puissants et riches. C'est cette nouvelle société que Harari, historien et professeur d'Histoire israélien, veut nous faire entrevoir comme une possibilité du futur. Extrait :"Tandis que les algorithmes chassent les hommes du marché du travail, la richesse et le pouvoir pourraient bien se concentrer entre les mains de la minuscule élite qui possède les algorithmes tout-puissants, ce qui créerait une inégalité sociale de politique sans précédent. Aujourd'hui, les millions de chauffeurs de taxi, de bus et de camion ont un poids économique et politique significatif, chacun dominant une infime part du marché des transports. Si leurs intérêts collectifs sont menacés, ils peuvent se syndiquer, se mettre en grève, organiser des boycotts et créer de puissants blocs d'électeurs. Le jour où des millions de chauffeurs humains seront remplacés par un seul algorithme, toute cette richesse et ce pouvoir seront accaparés par la société qui possède l'algorithme et la poignée de milliardaires qui possèdent cette société." Le propos est très fréquemment illustré d'exemples, de représentations concrètes. Il y a également des photos insérées au fil des chapitres, qui n'ont pas tant d'importance que celle d'apporter des traces de recherches historiques dans l'élaboration de l'essai, ou de constituer des respirations dans le texte assez long. J'ai parcouru certaines pages en diagonale.
Extrait :
"Les grands projets humains du XXe siècle - triompher des épidémies, de la famine et de la guerre - avaient pour but de sauvegarder une norme universelle d'abondance, de santé et de paix pour tous, sans exception. Les nouveaux projets du XXIe siècle - l'immortalité, le bonheur suprême et la divinité - espèrent aussi servir toute l'humanité. Mais ces projets visant non pas à sauvegarder la norme, mais à la dépasser, ils pourraient bien se solder par la création d'une nouvelle caste de surhommes qui, laissant de côté ses racines libérales, ne traitera pas mieux les hommes ordinaires que les Européens du XIXe siècle ne traitaient les Africains.Si les découvertes scientifiques et les progrès technologiques scindent l'humanité en une masse d'homes inutiles d'un côté et une petite élite de surhommes améliorés de l'autre, et si l'autorité échappe aux êtres humains pour se retrouver aux mains d'algorithmes éminemment intelligents, le libéralisme s'effondrera."
Un essai comme un récit d'anticipation potentielle, vers un glissement de la religion humaniste au dataïsme pour accélérer la quête humaniste de la santé, du bonheur et du pouvoir. Vertigineux et très intéressant.
L'avis de J.-F. Caillard - Medium NUMA
L'avis (sévère) d'Hubert Guillaud - LeMonde blogs