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Dans les pas d'Alexandra David Néel

Publié le 06 mai 2018 par Montagnessavoie
Eric Faye, Christian Garcin, Dans les pas d'Alexandra David Néel. Du Tibet au Yunnan, 2018.
Je m'étais jurée que je n'achèterais plus que des livres d'occasion. C'est raté. L'occasion était trop belle. Ce nom, cette aura : j'étais vaincue. Vingt euros plus tard, je ressortais de la librairie avec ce livre entre les mains. La vie d'Alexandra David Néel est en tous points admirable. Aventurière, romancière, indépendante, déterminée, passionnée, unique. Son exploit le plus mémorable consiste en une arrivée incognito à Lhassa dans les années 20, capitale interdite du Tibet, dans laquelle elle pénètre déguisée en mendiante au nez et à la barbe des Anglais. Mais Alexandra, c'est aussi d'autres grands voyages, jusqu'à un âge avancé, jusqu'à faire refaire son passeport à une étape de la vie où la plupart d'entre les hommes se reposent dans une maison de retraite. Au cas où. Pour avoir toujours une porte de sortie. C'est sur ses traces qu'Eric Faye et Christian Garcin sont allés marcher. Au Tibet, dans ces montagnes immenses de l'Himalaya, en Chine, ils ont mis leurs pas dans les siens et ont tenté de retrouver les lieux qui avaient accueilli l'aventurière.  Dans les pas d'Alexandra David Néel
Or, tout a changé. Le tourisme de masse, l'omniprésence conquérante et dominatrice des Chinois, partout, dans tous les domaines et de manière systématique et implacable, leur tendance dévorante à tout reconstruire, annihiler la moindre trace d'histoire pour l'écraser de modernité sans saveur, sont autant de faits qui rendent compliquée la recherche de repères. Les Chinois déplacent les populations pour créer des villes nouvelles, tentaculaires, des barrages, des parcs, des complexes touristiques sans aucun compromis avec la tradition ou avec le passé. Sans aucune considération pour les gens qui vivent là. En cela, la déception peut être amère. Pourtant, nos voyageurs persistent dans leur démarche et, tout en se questionnant sur cette évolution bétonnée qui n 'a d'étonnante que sa rapidité de champignon, ils poursuivent leur périple et croisent les routes qu'Alexandra David Néel a parcourues avant eux. Avant le train, avant les autoroutes, ce qui ne fait que renforcer leur admiration pour cette femme déterminée et qui ne fera aucune concession pour parvenir à son but : Lhassa. Comme elle, les écrivains se demandent, après Lhassa, s'il est possible de voyager aussi loin. Pas en ce qui concerne les kilomètres, mais en matière de mythe, de lieu mystérieux et énigmatique, isolé et presque interdit. Car, encore aujourd'hui, il faut une autorisation expresse de l'état chinois pour pénétrer dans ces territoires occupés. Une sorte de panacée du voyage, pourtant bien amochée. Ce livre nous ouvre par conséquent plusieurs portes. Celle de l'aventure, en suivant les pas d'Alexandra David Néel et en refaisant son trajet, comme on referait la route de la Soie où les voyages d'Ulysse. Celle de la réflexion quant à l'urbanisation croissante et à l'accès toujours plus facilité à tous les recoins de la planète, ce qui dénature les sites et anéantit les traditions au profit d'une uniformisation macabre. Celle, enfin, de la constatation du rôle indéniable de la Chine dans la disparition de la culture tibétaine et l'action colonisatrice et violente de la grande puissante vis à vis de ces terres millénaires. De multiples voyages en un, voilà ce que nous manquons souvent de faire et ce que nous offrent Eric Faye et Christian Garcin avec leur ouvrage dans un style, qui plus est, qui ravira les yeux les plus critiques. 

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