[Critique] KODACHROME

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Partager la publication "[Critique] KODACHROME"

Titre original : Kodachrome

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Mark Raso
Distribution : Jason Sudeikis, Ed Harris, Elizabeth Olsen, Gethin Anthony, Bruce Greenwood, Dennis Haysbert, Amanda Brugel, Wendy Crewson…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 20 avril 208 (Netflix)

Le Pitch :
Un homme en pleine déroute personnelle et professionnelle accepte à contre cœur d’accompagner son père mourant, un célèbre photographe, avec lequel il n’a plus de contact, afin de traverser la moitié du pays pour rallier le dernier laboratoire capable de développer des pellicules photo kodachrome…

La Critique de Kodachrome :

Kodachrome se base sur un article paru dans le New York Times, relatant comment un père et son fils ont traversé une partie des États-Unis afin d’aller faire développer des pellicules dans le dernier laboratoire capable de gérer le kodachrome, avant sa fermeture. C’est le romancier, et par ailleurs scénariste et co-créateur de la série Banshee, Jonathan Tropper qui a adapté cette belle histoire pour en faire un film en forme de road trip axé autour de thématiques relatives à la famille mais pas seulement. Une œuvre douce-amère portée par une équipe d’acteurs parfaitement choisis et dirigés qui parvient à toucher au vif, sans crier gare…

Instantané de vie

Le postulat de départ de Kodachrome est plutôt original mais son développement l’est beaucoup moins. Attention néanmoins car rien de négatif dans cette constatation. Il s’agit juste de souligner le caractère classique d’une intrigue dans tous les cas remarquablement exploitée et portée par une prose qui évite très justement d’en faire des caisses pour se « contenter » de mettre en valeur des sentiments complexes, en évitant habillement de sombrer dans le pathos. Le fait de voir évoluer ces personnages, parfaitement écrits, a donc, et c’est plus surprenant, quelque chose de profondément authentique. Sans trop s’attacher aux clichés inhérents à ce genre de drame, ni s’en tenir à une dynamique propre au cinéma indépendant typé Sundace, Kodachrome va directement à l’essentiel et fait preuve d’une constance dans son exécution, qui finit irrémédiablement par forcer le respect.
Peu à peu, sans passer en force donc, les protagonistes existent à l’écran et marquent les esprits, illustrant des sentiments, des idées, des regrets et des espérances, qui ont toutes les chances de faire écho chez le spectateur. Que ce soit ce père haï par son fils, le fils en question, dont la vie emprunte une voie de garage, ou encore cette jeune femme dont le dévouement à la mission qui lui a été allouée, favorise l’émergence d’une émotion tangible.

Road trip

Sur la route qui les mène à ce laboratoire capable de développer de mystérieuses photos destinées à une ultime exposition, les personnages de Kodachrome expriment leurs ressentiments. On y parle de la mort et de ses conséquences sur la vie de ceux qui restent, des regrets dont il est parfois difficile de se défaire pour avancer et d’ambition. La notion d’héritage est bien sûr aussi présente, au centre de la relation contrariée de ce père et de ce fils que la vie a séparé, amenés à se retrouver au fil d’une périple en forme d’aventure existentielle.
Sans prétention, avec beaucoup de sensibilité, en s’attachant aux nuances et aux non dits, Jonathan Tropper et le réalisateur Mark Raso ont réussi un petit tour de force. Leur film s’avère tour à tour émouvant et attachant, parfois drôle aussi et toujours pertinent. Au centre forcément, les acteurs livrent des performances admirables. Elizabeth Olsen prouve une nouvelle fois (même si c’était parfaitement inutile), après Wind River, qu’elle est bien cette étoile qui brille au firmament, que Martha Marcy May Marlene avait révélé en 2011. Jason Sudeikis quant à lui, enfonce le clou et démontre qu’il n’est pas qu’un comique. Capable de se faire le réceptacle d’une émotion à fleur de peau, il donne le change à un Ed Harris quant à lui toujours impressionnant. Solide dans sa propension à traduire une véritable détresse, déterminé et charismatique, l’acteur est excellent. Mais là non plus ce n’est pas une surprise. Le truc pourtant, c’est que Kodachrome donne l’opportunité à ces comédiens de prouver leur valeur en cela qu’il n’appelle pas à transgresser les règles de la tragédie douce-amère mais plutôt à les sublimer, tout en les respectant. Ici plus que jamais, ce n’est pas la destination qui compte mais le voyage.

En Bref…
Très sobrement mis en scène par un réalisateur au service de son histoire et de ses acteurs, tous parfaitement en place, Kodachrome brille par la pertinence de son écriture, par la justesse de son ton et par sa faculté à mettre en valeur une émotion jamais forcée. Un road movie touchant, tendre et jamais mièvre qui fait mouche plusieurs fois. Une belle réussite.

@ Gilles Rolland

   Crédits photos : Netflix