Voyage en République des Crabes, de TArmasz - la chronique exploratrice...

Publié le 03 mai 2018 par 7bd @7BD
Titre: Voyage en République des Crabes Auteurs : Tarmasz (scénario et dessin) Editeur : Delcourt Année : 2018 Pages : 112

Résumé : Maya travaille pour une société de livraison aux consignes drastiques, pas plus d'une semaine pour livrer un colis, à remettre de surcroit en mains propres. Elle aime bien les défis de son métier et les voyages que cela lui permet de réaliser. Elle va être servie, car sa société va l'envoyer en République des Crabes ! Une mystérieuse île au large des côtes perpétuellement noyée dans un nuage gris lourd en humidité. Une mystérieuse île qui ne tient pas spécialement à voir débarquer des étrangers sur son sol. Bref, une aventure riche en découverte, en émotions et aussi en choc culturel pour Maya. Le colis arrivera-t-il à destination à temps ? Mais est-ce là le plus important ? Mon avis : Maya, de simple livreuse, se retrouve finalement exploratrice et redécouvre les sensations qu'ont dû avoir ces héros du temps passé, des époques où il restait tant et tant de civilisations à découvrir. Et à l'image de ces glorieux prédécesseurs, elle consigne dans un petit carnet ce qu'elle apprend de cette république dont le système économique repose en grande partie sur... l'oignon d'eau ! En effet, cette fameuse République imaginaire nous offre un mélange entre administration labyrinthique à faire pâlir les douze travaux d'Astérix, population à la limite du rejet pur et simple des étrangers - si Maya n'est pas chassée, elle est tout simplement ignorée des habitants -, et un climat dévastateur, avec une humidité à vous faire marcher dans des nuages d'eau poisseuse envahie de moustiques affamés.

Bref, la jeune Maya n'est pas au bout de ses peines, et la balade de santé dérive vite à l'expédition cauchemardesque. Le rythme de l'histoire est cassé régulièrement par des extraits du carnet de Maya qui nous permet de découvrir qui sont les Escrabes - C'est ainsi que l'on nomme les habitants de la République des Crabes - et les mystères de leur île. La tension est bien là mais nous ne sommes pas dans le drame. Avec cette société décalée, c'est plutôt du côté d'un certain humour absurde qu'il faut lorgner. Et Maya l'exploratrice, héroïne moderne, se retrouve propulsée dans un monde bien loin des portables et des connectiques internet. Et si elle s'englue dans l'impression de faire du surplace avec ces bateaux qui n'avancent pas et ces démarches administratives qui durent, durent, durent... nous suivons avec curiosité son périple, espérant que le bout du chemin lui apporte une petite lumière. Il manque à ce panorama portuaire originalement stylisée le magnifique jaune que l'on peut trouver sur la couverture. Petite lumière que le dessin de Tarmasz fait apparaître tout au long de l'histoire, car nous sommes dans un noir et blanc teinté de nuances de gris, et enveloppé d'un jaune ocre. Ce choix de couleurs ajoute encore au côté ancien de cette République des Crabes. Côté ancien qui bascule vers les mondes de Gulliver ou les voyages de Candide par les choix graphiques de l'auteur pour dessiner cette peuplade. Maison tarabiscotées, formes larges d'épaules, costumes étranges, flopées de drapeaux ou de fanions à droite à gauche, bateaux de bric et de broc (tout comme les villages de cette étrange république). Un style qui fait fi de toute justesse de proportion. A mes yeux, Tarmasz penche (avec talent) du côté de l'art naïf, avec ses personnages stylisés, ses décors souvent dotés non pas d'une absence de perspective mais bien d'une perspective faussée, étrange, un choix de couleurs fort (ce jaune qui hante les pages et suinte comme l'humidité de cette île), même si elles ne sont pas aussi vives et éclatantes que chez les peintres naïfs. Bref, tout un tas d'éléments dont certains relèvent de cet art si cher à Vivin ou au Douanier Rousseau. Et en plus, ça fait sens dans l'histoire alors... Bref, vous avez saisi que j'ai énormément aimé le style graphique de cette BD. Et Delcourt a offert un très bel écrin à Tarmasz, car ce petit volume aux bords de page dorées, à la couverture lourde en noir et jaune, ne peut qu'attirer l'œil. Cette histoire un peu folle, un peu exploratrice, cette héroïne partant à l'aventure sans hésiter et surtout ce très beau style graphique tellement spécifique font que cette BD plaira énormément à ceux qui ont envie de lire quelque chose de différent des styles plus académiques. Parce que voir quelque chose de différent, on oublie que, parfois, ça fait du bien aux neurones et aux papilles oculaires... Zéda rencontre Maya. David
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