Sournoisement annoncé entre le fromage et le dessert lors de l’émission de propagande… non, pardon de pédagogie, de François Fillon, il y a quelques semaines, la construction d’un second réacteur nucléaire de type EPR a été confirmée par le président Français, président de l’Europe, président de France Télévision, Nicolas Sarkozy (cf Article de Libération, 03/07/2008).
A l’issue du Grenelle de l’environnement, lui-même avait annoncé qu’aucun nouveau site de central nucléaire ne serait construit. Il semblerait que comme le reste des mesures, celle-ci soit tombée aux oubliettes, vitrifiée comme les milliers de tonnes de déchets nucléaires que nos centrales produisent chaque année et qu’on lèguera aux générations futures.
Nous citons :
[…] Mais ça ne signifie nullement que le nucléaire doit être la solution unique au défi climatique. Nullement. Notre première priorité, et c’est l’une des conclusions du Grenelle, notre première priorité c’est de réduire notre besoin d’énergie. L’objectif est d’améliorer de 20% notre efficacité énergétique d’ici à 2020. Et notre deuxième priorité de viser un objectif de plus de 95% d’énergie électrique sans effet sur le climat, c’est-à-dire sans carbone. C’est à mes yeux, le seul objectif pertinent pour lutter contre les défis climatiques.
Nous avons l’énergie nucléaire. Même si je ne veux pas créer de nouveaux sites nucléaires, je sais que nous ne devons pas renoncer à cette énergie. Mais je reprendrai les principes que vous proposez, notamment celui de la transparence.[…]Extrait du discours de clôture des négociations du Grenelle de l’environnement à l’Elysée, 25 octobre 2008
Nous avons certainement mal compris, une fois de plus.
Le nucléaire pour remplacer le pétrole
Nous faire accepter la construction d’un second EPR pour remplacer les ressources en pétrole est pour le moins mensongé puisqu’aujoud’hui, les voitures ne roulent pas à l’électricité (où seulement quelques-unes), les pesticides dont nos agriculteurs sont si friands, ne sont pas synthétisés à partir d’électricité. Plus largement, pour les 100000 produits issus de l’industrie pétrolière, un EPR n’est ABSOLUMENT d’aucune utilité.
Si le nucléaire représente plus de 78% de notre production électrique, il représente moins de 50% de notre production énergétique totale.
La voie de l’indépendance énergétique
C’est une très belle histoire qu’on nous raconte depuis que la France s’est lancée dans cette filière. On nous raconte que le nucléaire c’est LA voie de notre indépendance énergétique.
Arrêtons nous 2 secondes sur la carte suivante qui présente les principaux pays producteurs et exportateurs d’uranium (source Wikipédia)
On vous propose également une autre source , cette fois ci officielle : http://www.industrie.gouv.fr/energie/statisti/pdf/uranium.pdf
Étonnamment, la France n’y figure pas. Pour être précis, l’essentiel des ressources d’uranium en France a été consommée dans les premières décennies de fonctionnement. Il en reste un peu, mais pas de quoi approvisionner tout le parc, loin de là.
D‘où peut donc bien provenir notre indépendance, alors ?
Pour être plus précis, la France importe son uranium principalement du Canada, de l’Australie, et du Niger, pour des besoins estimables à environ 12 000 tonnes par an (une centrale consommant environ 200 tonnes de combustible par an).
Les réserves d’uranium étant limitées à 80 ans environ, la demande chinoise et indienne pour ce minerai étant croissante, on peut s’attendre à connaître des tensions géopolitiques de plus en plus forte pour assurer l’approvisionnement…
Bref, tout ça pour dire qu’en France, d’indépendance énergétique il n’est point et qu’un nouvel EPR n’y changera rien !
Pour lutter contre le changement climatique
Certes, lors de la phase d’exploitation, les émissions de GES (Gaz à effet de serre) sont relativement faibles, mais c’est sans compter sur l’ensemble de la chaine, depuis l’extraction du minerai à l’autre bout de la planète, son enrichissement, la construction de la centrale (béton, acier…) jusqu’à la phase d’enfouissement à des centaines de mètres de profondeur. Il pourrait être intéressant de calculer le bilan écologique global d’une central nucléaire… A coup sur, on aurait une belle surprise.
Comme on l’avait dit dans un précédent article, si le réchauffement climatique se poursuit, on doit s’attendre à une augmentation des étés caniculaires. Va-t-on laisser les centrales rejeter de l’eau chaude dans les rivières au risque de détruire la biodiversité ? Dans l’état actuelle des choses, la réponse est OUI ! Il faut croire que les poissons, on s’en fout (cf. gestion des quotas de pêches en France) !
Un EPR sera t-il plus résistant aux cyclones, aux tempêtes dont nous pourrons être victimes en cas de fort dérèglement climatique ?
Pour élargir un peu l’inutilité de l’EPR, on pourrait aborder la menace terroriste si chère à nos dirigeants actuels, un éventuel accident nucléaire… Technologiquement, l’EPR n’est pas si différent de nos réacteurs actuels.
Et donc ?
Et bien il s’agit d’être cohérent dans la politique ultra-capitaliste actuelle :
Ca nous mettrait mal de vendre des EPR sur la planète entière, implicitement favoriser la prolifération nucléaire et de ne pas donner l’exemple dans son propre pays. Et puis il s’agit d’aider les actionnaires dans le besoin (AREVA et Bouyges en premiers lieux).
Enfin, même si “les caisses sont vides”, on ne va tout de même pas mégoter pour 5 milliards d’euros (coût estimé d’un EPR).
Opposons au nucléaire le tryptique “sobriété énegétique, efficacité énergétique et énergies renouvelables”.
Pour en savoir plus :
Ce qu’on a compris du nucléaire et de l’EPR - Juin 2007, Claire & Greg
AREVA : lauréat de la honte 2008 - février 2008, Claire & Greg
Crédit Photos
Centrale nucléaire de Cattenom : http://www.azurs.net/photoblogv0/a/2005/11/bonnes_tranches.html