Si besoin était de le prouver, l’évolution récente de sa scène culturelle suffirait à montrer que la Syrie n’est plus ce pays bloqué vivant dans un autre âge, comme coupé du monde. A l’unisson des autres pays de la région, la production musicale y a connu un véritable tournant il y a une dizaine d’années. Est apparue alors une génération d’artistes désireux d’apporter une nouvelle interprétation du répertoire traditionnel en l’ouvrant aux courants musicaux apportés par la mondialisation.
Il y a une spécificité syrienne toutefois, celle de la faiblesse du secteur privé qui commence tout juste à se développer, y compris dans le marché des biens culturels, conjointement à l’existence de structures nationales de formation qui peuvent être de qualité. Dirigé par la comédienne Mai Skaf (مي إسكاف), al-theatro reste encore pratiquement le seul espace où la riche scène musicale alternative syrienne, souvent issue du Conservatoire national, peut rencontrer son public, en concert, le jeudi soir (jour de week-end).
Sans surprise, on trouve aussi un rock syrien, avec le groupe du guitariste Anas Abdel Moumen (Anas and Friends), ainsi qu’une sorte de new folk oriental dont le groupe Itar Shameh est sans doute le représentant le plus célèbre.
Le nom de ce quartet, fondé en 2004 et dirigé par Isam Rafea, le oudiste du groupe Hiwar, est un hommage à l’un des premiers musiciens arabes dont la tradition a conservé le souvenir, un chanteur du VIIe siècle, né à Médine et mort dans le sud de la Syrie.
Manière de dire que les artistes qui proposent cette musique alternative n’entendent pas se couper d’une "authentique tradition" pieusement recueillie au Conservatoire national. Ils veulent au contraire la conserver vraiment vivante, c’est-à-dire non pas reléguée au musée du passé mais renouvelée, revivifiée, par les apports des musiques d’aujourd’hui.