"Vimbai est la meilleure coiffeuse du Zimbabwe. Fille-mère au caractère bien trempé, c’est la reine du salon de Madame Khumalo ; jusqu’à l’arrivée de Dumi, surdoué, beau, généreux, attentionné, très vite il va détrôner Vimbai.
Quand Vimbai comprend enfin le secret de Dumi, elle fait un chemin intérieur que le pouvoir au Zimbabwe est loin de suivre.
Le meilleur coiffeur de Harare ne se contente pas d’une romance aigre-douce et des cancans d’un salon de coiffure. Outre la dénonciation de l’homophobie, il propose une peinture légère, mais implacable de la vie quotidienne et politique au Zimbabwe."
Éditeur
Avant de me lancer à corps perdu dans le nouveau Mohamed Mbougar Sarr ("De Purs hommes", paru aux éditions Présence Africaine), je reviens sur une lecture qui date maintenant de quelques mois : « Le meilleur coiffeur de Harare » de l’auteur Zimbabwéen Tendaï Huchu.
« Fungai suivait une étrange théorie selon laquelle il ne devait se déplacer qu’à pied. Il affirmait qu’en tant que philosophe, marcher le rapprochait de la vérité. Si on lui demandait d’approfondir le raisonnement, il disait qu’il y a un état naturel pour toute chose. Et que comme les voitures ne sont pas naturelles et se déplacent anormalement vite, elles ne se permettent pas de voir le monde pour ce qu’il est vraiment. En marchant, l’homme est plus près du monde et l’observe avec plus d’attention. »
Il est impossible de parler de ce livre sans dégommer le semblant d’intrigue que l’auteur a voulu mettre pendant les 2 tiers du livre. Nous ne pouvons nous arrêter la simple narration de la vie de la coiffeuse Vimbaï qui est, au début du livre, la star d’un salon de coiffure qui a la côte à Hararé. Tellement la côte que la première dame, les femmes de ministres etc… y vont se tailler les tiffs. Ce personnage de Vimbaï est pourtant intéressant car, très tôt jeune fille mère, rejeté par sa famille et l’homme riche qui l’a engrossé (digression : je veux bien que les filles soient naïves, mais le récit de l’arnaque au cœur que subit Vimbai m’a laissé froid. Pas très bien raconté je trouve), et seule héritière de la grande maison d’un de ses frères décédés. Il est dommage que l’auteur n’ai pas creusé plus ces relations familiales durcies par cette question de l’héritage, que le personnage du petit frère philosophe n’ait pas été mieux exploité.
De même, le livre ne permet pas vraiment de connaître mieux le Zimbabwe, son histoire, son atmosphère politique. A peine est survolé la question des relations entre anciens propriétaires terriens blancs et la classe politique qui les a expropriés. Sinon, rien ; l’histoire aurait pu se passer n’importe où, dans n’importe quel environnement africain. Ou non d’ailleurs.
« On n’arrête pas d’aimer quelqu’un si facilement, même si la personne concernée a fait quelque chose qui, à un moment donné, vous est apparu impardonnable. En amour, il n’y a pas d’interrupteur que l’on puisse actionner. »
Car, ce bon roman vite lu et agréable n’arrive pas à toucher le particularisme de la question qu’il entend traiter ; l’homosexualité dans un pays africain. L’auteur met dans les pattes des filles du salon le personnage de Muntussami, beau gosse d’environ vingt-deux ans, manifestement à la rue et qui fait montre d’un talent de coiffeur hors du commun qui fait de lui, très vite, la coqueluche de toutes les grandes dames de Harare. Il se créé alors une relation particulière avec Vimbaï, qui se voit contrainte de l’héberger. Le garçon est adorable, homme d’intérieur, beau garçon et coiffeur hors pair…
Vous l’avez compris, mon premier agacement vient de ce cliché téléphoné de l’homosexuel que l’auteur a voulu nous vendre comme le suspens du « Lost » littéraire africain.
« Il parle comme un homme normal, s’habille comme un homme normal, marche comme un homme normal. Tout en lui est masculin. Les homosexuels ne se promènent-ils pas avec un sac à main et ne parlent-ils pas avec une voix haut perchée ? »
Une fois que l’on a passé la déception de ce faux suspens, on se rend compte également que l’intrigue est assez faiblarde. Mutunsami est l’amant de …
Je ne peux évidemment le dire. Mais, on entre dans une histoire qui mêle politique, personnages haut placés et tout un réseau de personnes, homosexuels, qui sont obligés de se cacher pour vivre leurs histoires d’amour ou de sexe. Là où le bât blesse sur cet aspect c’est que ; lorsque l’on connait la violence qui peut entourer la question de l’homosexualité dans nos contrées africaines (notamment les lynchages au Cameroun…), quand on sait l’émoi que soulève ces questions d’orientation sexuelle dans des environnements où la religiosité (musulmane ou chrétiennes) rend les peuples intolérants au possible et près à toutes les barbaries… « Le meilleur coiffeur de Hararé » passe presque pour une version light de « Alice au pays des merveilles ».
Outre la violence qui est très édulcorée, le traitement de la question est fait sans aucune profondeur, aucune analyse des tenants et des aboutissants culturels, sociaux, religieux. Le livre qui aborde un sujet d’actualité, important, manque cruellement de densité, de mise en perspective.
Ce roman est agréable à lire, écrit de façon très accessible, très cinématographique d’ailleurs. Facilement transposable en téléfilm pour audience moyenne ; mais il manque le coche. Jo Güstin dans une de ses courtes nouvelles (« 9 Histoires lumineuses », éditions Présence Africaine) est beaucoup plus percutante et en dit beaucoup plus en dix pages que ce roman qui, au final, est assez déceptif. Dommage.
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http://www.sudplateau-tv.fr/2018/02/05/palabres-autour-roman-coiffeur-de-harare-de-tendai-huchu/
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Nota : L’exemple de ce roman m’a servi pour illustrer une problématique qui touche particulièrement la littérature africaine ; la prédominance des maisons d’édition occidentale dans les livres africains publiés et traduits. Ce roman, comme certains autres lus, est très moyens mais a connu un certain succès d’édition qui lui vaut d’être traduit. Outre le fait qu’il n’apporte, à mon sens, rien au débat africano-africain sur les libertés sexuelles ; il ferme en plus la porte à des écritures, francophones, de bien meilleur niveau pourtant, mais qui ne jouissent pas des à priori positifs du monde anglophone. Autrement dit, les éditeurs occidentaux francophones préfèrent traduire des livres anglophones moyens plutôt que de prendre le temps d’explorer les écritures africaines en français qui végètent dans les undergrounds des éditions à compte d’auteur.
« Le meilleur coiffeur de Hararé »
Tendai Huchu
Éditions ZOE
Voir en ligne : Edition Zoé