Autrice : Marie-Catherine Daniel
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Arsouille, 70 ans, traîne son vieux corps dans un quotidien bien rôdé. Pourtant un jour, il reçoit une lettre écrite par son frère qu’il n’a pas vu depuis 50 ans. Sauf qu’il est impossible qu’il ait écrit la lettre car son frère est un ogre ; et les ogres ne connaissent pas les sentiments et ne se préoccupent absolument pas des trolls. Perplexe, il aimerait tirer cette affaire au clair. Il va devoir commencer par réussir à situer sur une carte la ville mentionnée sur la flamme de l’enveloppe.
Il est rare qu’un roman fasse de son protagoniste un troll ou un vieux… et encore moins un troll vieux. Arsouille a 70 ans et est perclus des douleurs dues à son arthrite. Il est irascible, clairement désabusé et il doit s’occuper de surcroît de sa belle-fille et de son trollinou.
Trolls et ogres sont les deux races qui peuplent ce récit. Les enfants revêtent la forme d’humains avant de choisir un des deux camps lors de la Grande Poussée Dentaire ; qui correspond à l’adolescence. Il n’existe donc plus d’humains adultes. Les trolls possèdent un groin alors que la caractéristique physique principale des ogres est une face de requin, une bouche pleine de dents. Les ogres sont disciplinés, rationnels et absolument pas affectifs ; là où les trolls sont incultes, bagarreurs et sensibles. Les trolls sont considérés comme les ratés de la société et sont clairement opprimés par les ogres. Cela donne le ton !
Les descriptions physiques et mentales des races qui tapissent l’histoire est un de ses aspects prenants. Elles participent à l’intrigue et soutiennent aussi l’affection du lecteur pour le protagoniste.
Arsouille est touchant dans sa façon de se mouvoir, dans sa vision des choses de la vie, dans son ouverture d’esprit à laquelle on assiste. Et si l’on parlait d’une quête initiatique nonobstant son âge ?
Il y a les choses de la vie : quelles valeurs inculquer à un trollinou ? Comment se présenter à l’administration pour un examen ? Quelles connaissances transmettre à des élèves ? Et puis, les préoccupations du quotidien : alcool, sexe, amour, amitié, rigolade. Et enfin les véritables péripéties de voyage, que l’on croise peu en SFFF et qui pourtant sont des questions qui traversent chaque voyageur dans notre réalité : que faire quand on a faim ? Quand on a une envie pressante de faire pipi ? Quand on se fait piquer son savon ?
Cette histoire est douce et profondément humaine dans les émotions. On sent un univers riche et fouillé auquel sa créatrice tient, tout comme à ses personnages qu’elle nourrit. C’est un roman feel good ! infusé à l’humour.
Bien que je n’aie croisé aucune tasse rouge à pois blancs – mais verte à pois, si ! – dans le roman, la couverture a été réalisée par Ronan Toulhoat. J’ai aimé découvrir les choix de création qu’Audrey Alwett, directrice de la collection Badwolf chez ActuSF, avait publiés en stories sur Instagram.
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Dans le chaudron : Si vous aimez les trolls, je vous invite à rencontrer celui de Jean-Claude Dunaych avec le roman « L’instinct du troll ».