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Candide et Nacer

Publié le 06 juillet 2008 par Rendez-Vous Du Patrimoine

La mosquée rouge, Raoul Dufy, 1909, Strasbourg, Musée d'art moderne.
En arrivant à Strasbourg, Candide fut frappé par la richesse des bâtiments qu’il découvrait. Partout, ce n’était que palais et merveilles : bibliothèques, théâtres, opéra, nobles demeures et seigneuries de prestige, belles pierres, hautes verrières avec frontons et perrons.

Hôtel de la Région Alsace
Mais ce qui l’étonna le plus fut la profusion des lieux de culte.
Par hasard, il tomba d’abord sur ce qu’il prit pour la cathédrale dont on lui avait dit grand bien : une solide et fière église de grès rose. Elle était pourtant fermée. Or une cathédrale se devait d’être ouverte, se dit Candide.

Le temple neuf

Une grande pancarte lui indiqua effectivement sa méprise : ce n’était que le temple protestant.Il poursuivit son chemin.
Un peu plus loin, au détour d’une rue étroite, la vraie cathédrale s’imposa à lui. Majestueuse, illuminée de soleil, toute habillée de statues et de dentelles, de chevaliers en armes, de diables et d’anges, elle surgissait de terre d’un bloc, avec puissance et allégresse. A côté, le temple était comme nu.



La cathédrale de Strasbourg
Candide en fut ébranlé. L’unique flèche lui semblait désigner l’infini avec certitude, comme un doigt pointé vers l’azur, mais les ombres jouaient sur la façade où les Vierges folles et les Vierges sages s’affrontaient leurs lampes à la main.
Où était la vérité ? Où fallait-il regarder ? Vers le ciel ou vers la terre ? Vers l’austérité ou vers la splendeur ?

Détail du portail ouest
Revenant au relais où il avait déposé son maigre bagage, Candide se demandait en même temps ce que signifiait cette variété de décors si différents pour honorer le même Dieu.
De fait, sur la route, il avait aussi longé une immense synagogue, moderne basilique décorée de vitraux et d’étoiles. Un grand candélabre à sept branches l’ornait sur le côté mais la porte d’entrée en était fermée. Au dessus, il put lire en lettres de bronze hébraïques : « Plus fort que le glaive est mon esprit ».

La synagogue de Strasbourg
Quand il arriva au relais, tout admiratif encore de voir que dans cette ville toutes les religions vivaient ainsi côté à côte et en harmonie, il interrogea le portier : « Mais comment se fait-il que je n’ai vu ici aucune mosquée ? N’y-a-t-il ici aucun adorateur d’Allah ? »
- « Ce n’est pas cela, lui répondit Nacer avec un grand sourire. Il y a 25 ans qu’on cherche à en construire une ! Mais c’est plutôt une question... d’entente justement. Ce n’est pas l’argent qui manque. Les musulmans sont généreux mais on a vu ceux qui font la collecte. Au début, c’était le petit blouson, puis après la chaîne en or, puis la mallette des hommes d’affaires… moyennant quoi la mosquée est restée en chantier et ceux de Strasbourg se contentent des lieux de prières habituels. »

Fleurs de lin à l'emplacement de la mosquée- « Mais cela ne vous gêne pas ? », lui demanda Candide naïvement.
- « Mais non, lui dit Nacer, ma foi n’est pas dans la pierre et je n’ai pas besoin de barbe pour la vivre. Je suis heureux de rendre service et de vous souhaiter une bonne journée ».

Candide le quitta tout ragaillardi de cette réponse et quand, un peu plus tard dans l’après-midi, il découvrit au musée un tableau de Raoul Dufy intitulé « La mosquée rouge », il se dit que Strasbourg avait bien sa plus belle mosquée et que le sourire de Nacer lui donnait vie.
(D'après M. Voltaire)Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !

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