C’est un cauchemar pour les industriels et les distributeurs : et si les consommateurs réduisaient leurs achats au nom du développement durable ? " Toutes les études montrent qu’ils sont de plus en plus sensibles à l’environnement et adoptent des comportements vertueux. Cette sensibilité à l’écologie peut les inciter à renoncer au superflu, provoquer une décroissance ", avertit Babette Leforestier, directrice des études documentaires de l'institut TNS-Sofres. Entretien.
GreenUnivers : les consommateurs sont-ils prêts à privilégier les produits respectueux de l’environnement ?
Oui, à condition que cela ne leur coûte pas plus cher ! La sensibilité à l’écologie est de plus en plus forte. Il existe plusieurs types de comportements dans ce domaine : les militants, les suiveurs, les indifférents, les réfractaires… Toutes les études montrent que la proportion des indifférents diminue. On le voit dans l’électroménager : les produits qui consomment le moins d’énergie sont largement privilégiés, à prix équivalent, car si on touche au porte-monnaie, l’attitude change. Beaucoup de gens se disent même écologistes alors qu’ils veulent juste faire des économies. Ils vont prendre leur vélo à la place de la voiture parce que l’essence coûte cher et pas pour limiter les émissions de CO2.
GreenUnivers : est-ce que la consommation ne va pas en souffrir ?
Le risque est réel. De la même manière qu’ils ferment le robinet rapidement ou privilégient les douches sur les bains pour économiser l’eau, les consommateurs pourraient réduire leurs acquisitions. A quoi bon acheter un nouveau jean quand on en possède déjà un ? Aujourd’hui, on assiste à une restriction de consommation liée à la perte de pouvoir d’achat. Demain, elle pourrait venir de la volonté de préserver les ressources, de protéger la planète.
GreenUnivers : les entreprises encouragent les comportements vertueux en communiquant de plus en plus sur l’environnement. En font-elles trop ?
Elles n’ont pas le choix, compte-tenu des attentes très fortes. Les consommateurs veulent des produits « verts » et aussi des informations sur ce qui est bon pour l’environnement : ils sont un peu perdus, ont besoin de repères. En même temps, ils expriment une vraie méfiance : une majorité de gens estiment que lorsqu’une entreprise parle de développement durable, c’est avant tout une stratégie de communication. Ils ont peur du «greenwashing». Il n’est pas facile de faire la distinction entre les entreprises réellement engagées et celles qui communiquent sans agir.
GreenUnivers : les entreprises risquent-elles un retour de bâton ?
Elles vont devoir mettre en cohérence leurs messages et leurs actes, en étant attentives à tous les aspects, notamment leurs approvisionnements. Et gare aux manquements ! Unilever s’est fait épingler par Greenpeace parce que ses fournisseurs d’huile de palme pour son shampooing Dove détruisaient les forêts d’Indonésie. Le groupe a dû réagir très vite et s’est engagé à utiliser de l’huile de palme durable dès cette année. Autre exemple, l’emballage. Danone va passer aux bouteilles en PET recyclé pour ses marques Evian et Volvic. C’est dans la ligne de sa communication. Les secteurs de l’énergie, des transports, de la grande consommation sont très surveillés et les entreprises doivent s’engager en profondeur, sous peine de retour de bâton. D’autres, comme les banques et assurances, sont moins en première ligne pour l’instant mais leur tour viendra.
(Propos recueillis par PL, photo : DR))
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