Partager la publication "[Critique série] THE TERROR"
Titre original : The Terror
Note:
Origine : États-Unis
Créateurs : Soo Hugh, David Kajganich
Réalisateurs : Edward Berger, Sergio Mimica-Gezzan, Tim Mielants.
Distribution : Jared Harris, Tobias Menzies, Paul Ready, Adam Nagaitis, Ian Hart, Nive Nielsen, Ciarán Hinds, Greta Scacchi, Trystan Gravelle, Alistair Petrie…
Genre : Horreur/Épouvante/Aventure/Adaptation
Diffusion en France : Amazon Prime
Nombre d’épisodes : 10
Le Pitch :
En 1847, alors qu’ils voguent dans la mer Arctique à la recherche du fameux passage du Nord-Ouest, le HMS Terror et le HMS Erebus se retrouvent piégés par les glaces. Bloqués, les deux équipages deviennent alors les cibles d’une redoutable créature en apparence invincible…
La Critique de la mini-série The Terror :
C’est en 2007 que l’écrivain Dan Simmons a publié Terreur, soit sa version de l’histoire bel et bien vraie du Terror et de l’Erebus, deux navires britanniques disparus dans l’Arctique en 1847. Simmons qui s’est appuyé sur tous les éléments connus, résultants notamment des autopsies pratiquées sur les membres d’équipage retrouvés morts, exploitant donc les véritables personnages tout en comblant les nombreuses zones d’ombre en faisant intervenir une créature aussi mystérieuse qu’agressive. Ayant souhaité prendre part à l’aventure quand AMC décida d’adapter son livre, Simmons voit donc aujourd’hui son œuvre prendre vie sur petit écran, avec un faste qui lui confère d’emblée le prestige et la grandeur des références cinématographiques du genre. Que l’on parle des films de monstres, des fresques historiques ou des meilleurs survivals. À la croisée des genres, ne se défaisant jamais d’une pertinence de tous les instants, The Terror va droit au but et propose ainsi un spectacle aussi immersif que prenant. Récit d’une réussite indéniable…
Briser la glace
Avec son titre en forme de promesse de solides frissons, qui désigne en réalité l’un des deux bateaux au centre de son histoire, The Terror est bel et bien une œuvre d’épouvante, mais pas uniquement. Co-produite par Ridley Scott, elle s’attache aussi à se montrer aussi fidèle que possible aux faits, y parvient, et utilise ses éléments fantastiques pour appuyer son propos, se révélant alors rapidement fascinante plus qu’à son tour. Ici, fiction et réalité se mêlent au sein d’un cauchemar tangible. Au fond, si Dan Simmons s’était « contenté » de raconter la survie des membres d’équipage sur la banquise, The Terror aurait déjà été remarquable. Le monstre, dont les interventions obéissent au cahier des charges cher au genre, aurait alors pu n’être qu’un bonus destiné à contenter les spectateurs venus à la série par rapport à son titre. Mais non, ici, tout s’imbrique parfaitement car avant d’être un monument de mise en scène à l’atmosphère enveloppante, The Terror brille par son écriture. Un scénario plus complexe qu’il n’en a l’air, porté par un désir de se saisir de plusieurs thématiques, qui traite donc de survie et de résilience, mais pas que. Il brocarde aussi la soif de progrès d’une humanité présomptueuse, aveuglée par ses certitudes et notamment celle de pouvoir tout contrôler. Pris dans la glace, bloqués, affamés, en proie à la maladie et à un monstre inconnu, les personnages sont les victimes directes de cette volonté pugnace de l’homme de dominer la moindre parcelle de terre, au nom de la patrie et de son appétit de conquête.
Avant d’organiser le combat d’une créature perçue comme une abomination de la nature, la mini-série narre avant tout la quête impossible d’aventuriers mal préparés, confrontés à eux-mêmes, à leur condition profonde et à cette incapacité à ne pas se considérer comme supérieurs à toute chose et à tout être. Authentique voyage au bout d’un enfer blanc et glacial, The Terror fait de la folie qui guette, un ennemi bien plus redoutable que le monstre. Et si la bête féroce en question n’était d’ailleurs que la matérialisation des contradictions, de l’orgueil, de la brutalité sous-jacente et au final de la démence propre à l’homme qui n’écoute que lui ? De quoi faire davantage de The Terror une œuvre proche d’Apocalypse Now, de Mosquito Coast ou encore d’Aguirre, la colère de Dieu, que des Dents de la Mer ou de tout autre film de monstre.
Les dents de la banquise
La créature d’ailleurs, si ses interventions sont toutes assez terrifiantes car mises en scène avec maestria, pêche un peu visuellement parlant. C’est par elle que la série montre ses limites. Des limites purement « techniques » tant certains effets-spéciaux ne sont pas aussi convaincants qu’espéré. Les décors, faisant magnifiquement écho aux tourments des personnages, spectaculaires et intimidants, les costumes… The Terror est une série extrêmement soignée, bénéficiant d’un budget visiblement confortable. Cela dit, le monstre, néanmoins, pêche un peu. Certains plans en images de synthèse s’avèrent plutôt faiblards et on peut trouver à redire sur son design. Des plans heureusement furtifs et donc non dommageables à l’excellente tenue de l’ensemble. La force de la série étant de ne pas se fixer sur son monstre et de proposer toujours autre chose, s’appuyant sur le charisme et le talent d’acteurs solides.
Perdus
Jared Harris, Tobias Menzies, Paul Ready, Adam Nagaitis, Ian Hart, Nive Nielsen, Ciarán Hinds… Tous les acteurs impliqués dans The Terror sont parfaits. Magnifiquement servis par un scénario qui n’oublie personne, organisant l’évolution des personnages dont certains prennent des directions totalement inattendues, les acteurs trouvent de multiples occasions de briller. Poussés dans leurs derniers retranchements par un récit intransigeant, ils livrent des performances souvent déchirantes. Surtout dans le deuxième acte d’ailleurs, probablement le plus métaphysique, le plus mystique et le plus éprouvant.
Car si le début de l’action se déroule sur les deux navires, au milieu des flots gelés, la suite prend le risque de s’aventurer au dehors et de rompre avec les codes stricts du huis-clos. Là est aussi tout le génie de l’histoire imaginée par Dan Simmons à partir de la réalité du Terror et de l’Erebus, mais aussi celui de la série, dont la totale compréhension du récit et de ses implications permet au show de sonner avec une puissance sans cesse renouvelée, n’encourageant jamais l’ennui au profit de frissons de multiples natures et d’une passionnante réflexion.
En Bref…
Grand survival sauvage aux brutaux accents philosophiques, œuvre horrifique habitée par une créature impitoyable et un lyrisme certain, The Terror joue habilement sur plusieurs tableaux et distille la peur avec brio sans cesser de nourrir de passionnantes thématiques. Immersive, cette mini-série visuellement sublime, ne fait donc pas les choses à moitié et sait se montrer parfaitement digne des attentes qu’elle avait su susciter. Dans ses fulgurances gore, dans ses profondes réflexions et ses déchirantes évocations. Jusqu’au bout, avec cette ultime plan sublime qui reste longtemps en tête.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : AMC