Les Français donnent sur l’Avre
(De l’envoyé spécial du Petit Journal.) Front français, 19 avril. Où est Foch ? Depuis dix jours c’est la grande interrogation des Boches. Ils ne foncent plus nulle part sans se retourner. Les réserves de leur adversaire les troublent. Ils comprennent qu’ils ne sont plus les seuls maîtres de la bataille. Ils entament des opérations sans oser s’y jeter à fond. En multipliant leurs attaques, ils n’ont pas que le but d’agrandir leur succès, ils ont celui de nous tendre des pièges, et ils regardent avidement si nous nous y prenons. Depuis qu’ils frappent dans le nord, ils ont l’œil ouvert sur nos déplacements. Voilà leur souci. Il est tel qu’ils proclament déjà à leur peuple que Foch n’a pu conserver pour son plan les troupes qu’il avait réunies, qu’il les émiette et qu’au moment venu, ce sont eux qui sortiront la surprise. Si puissantes que soient leurs forces, ils en usent tout de même plus que nous chaque jour. La bataille n’a encore présenté, de notre part, que des contre-attaques, mais, ce matin, 18 avril, nos troupes sont parties à l’assaut. Sur quatre kilomètres, autour d’Ailly-sur-Noye, elles ont commencé l’action. La préparation d’artillerie s’est faite la nuit, courte et terrible, et, à 4 h. 50, l’assaut partait. Il ne pleuvait pas, il bruinait. La boue de la Somme, célèbre et maudite, encore plus grasse, embourbait nos soldats ; l’emportant à la semelle de leurs chaussures et aux pans de leur capote, les Français se sont élancés. Départ brillant ; ils enlevèrent les assises où crachaient les mitrailleuses. À gauche, un bataillon, au sud de la route de Thennes à Moreuil, franchissait la Luce. Au centre, marchant avec nos chars d’assaut, ils arrachaient le bois de Sénécat. Ce fut dur. Les grenades éclataient nombreuses, pressées. À droite, sur la pente qui va vers l’Avre, ils mettaient la main sur le bois triangulaire, puis sur celui du Gros-Hêtre, puis, plus à droite, au-delà de la route de Moreuil à Ailly, progressaient. Six cents prisonniers, hommes de boue, étaient chassés à l’arrière. Contre-attaque ? Sûrement. En tout cas, nous consolidons. La lutte, dans le froid, continue.
Le Petit Journal
, 20 avril 1918.Aux Editions de la Bibliothèque malgache, la collection Bibliothèque 1914-1918, qui accueillera le moment venu les articles d'Albert Londres sur la Grande Guerre, rassemble des textes de cette période. 21 titres sont parus, dont voici les couvertures des plus récents:
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