Quatre-vingt dix pages et deux euros. Introduction sans peine à la pensée des Stoïciens, ai-je pensé, d'abord. Puis : quel Tartuffe, ce mec ! Car, on trouve toute une tirade étonnante, dans laquelle il dit tout ce qu'on lui reproche. En particulier, d'être un des hommes les plus riches de son temps. Facile dans ces conditions d'écrire : satisfaisons-nous de notre sort ! On croirait entendre un de nos oligarques parler au pauvre : contente-toi de ce que tu as, et surtout ne viens pas contester mes possessions. Il s'excuse : au moins, j'essaie de me corriger, tout le monde ne peut pas en dire autant ; et faites ce que je dis, pas ce que je fais.
Mais que dit-il ? "On vit mal quand on ne sait pas bien mourir". Belles formules creuses, le style a plus d'intérêt que le fond ? Sénèque, auteur pour version latine, pas philosophe pour un sou ? Mais ce n'est peut-être pas aussi simple que cela. Le stoïcisme semble une philosophie de la liberté individuelle, d'aristocrate. Et cela ne va pas sans quelques subtilités. C'est une lutte contre l'aliénation, contre ce qui fait perdre le contrôle de soi. Mais s'il ne faut pas se faire piéger par la société, il ne faut pas non plus s'en exclure ! De même, c'est une philosophie austère, mais qui ne refuse pas le plaisir, s'il est honnête. Le plus curieux c'est l'objet que Sénèque donne à la vie. Ce n'est pas apprendre à mourir, ou bien mourir, mais atteindre au "sublime". La vie comme esthétique ? Le soixante-huitard, ivre de liberté individuelle, aurait-il mieux fait de lire Sénèque que Mao ou Lénine ?
("La mort a été pour eux un passage à l'immortalité". Le sublime semble tout de même souvent dans les belles morts.)