Peut-on critiquer la politique israélienne?

Publié le 24 avril 2018 par Jean-Emmanuel Ducoin

Gaza...

Parce qu’il critique les agissements du pouvoir israélien, Pascal Boniface est accusé d’antisémitisme. Cette qualification se veut infâme et déshonorante. Il n’est pas le seul. Combien d’élus français de gauche, singulièrement des communistes, ont-ils été refoulés d’Israël en raison de leur soutien à la campagne BDS?
Peut-on dire ce que l’on pense du gouvernement israélien sans être taxé d’antisémitisme? La question, ces temps-ci, hante opportunément le débat public. En témoigne l’agression que vient de subir le directeur de l’Iris, Pascal Boniface, à l’aéroport de Tel-Aviv. Crachats, bousculade violente. Insultes: «Suceur de bite d’Arabe, sale fils de pute.» Menaces: «On va te crever les yeux.» Invité en Israël par l’Institut français de Jérusalem pour une série de conférences, Pascal Boniface a été mis à l’abri par la police, qui s’est bien gardée d’interpeller ses agresseurs. L’affaire n’a l’air de rien. Elle illustre au contraire l’ampleur des cabales dont sont victimes tous ceux qui, de près ou loin, expriment leur opinion – souvent leur indignation – sur la politique israélienne. Parce qu’il critique depuis des années les agissements du pouvoir israélien, Pascal Boniface est accusé d’antisémitisme. Cette qualification, en contradiction totale avec ses combats personnels, se veut infâme et déshonorante. Il n’est pas le seul. Combien d’élus français de gauche, singulièrement des communistes, ont-ils été refoulés d’Israël en raison de leur soutien à la campagne BDS?
Critiquer l’extrémisme des pouvoirs israéliens = antisémitisme… Il y a quelques décennies, cette formule paraissait absurde, sauf dans quelques cercles jusqu’au-boutistes. Cette idée devient aujourd’hui un lieu commun, que répètent en boucle et sans nuances, jusqu’à lui faire perdre tout son sens, les supporters les plus aveugles du premier ministre Benyamin Netanyahou, sur la base d’un obscur procès d’intention qui pose comme présomption irréfragable que la moindre critique ne serait en réalité que le masque d’une haine antijuive sournoise et inavouable, relevant à ce titre de la catégorie fourre-tout de l’«antisionisme», et donc… de l’antisémitisme. Nous conjurons les humains de bonne volonté d’élever les consciences! Est-ce un délit de répéter que c’est la volonté du gouvernement israélien d’occuper la Palestine et de transformer Gaza en prison à ciel ouvert? Qui osera nous accuser d’antisémitisme, nous, antiracistes de toujours, parce que nous écrivons pour la énième fois que l’exécutif israélien viole tous les chapitres du droit international, ce que chacun sait pourtant, à l’ONU comme dans le reste du monde?
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 25 avril 2018.]