Avez-vous déjà entendu le San Quentin Jazz Band? Y ont pourtant officié Art Pepper ou encore Franck Morgan pour ne citer que les plus célèbres. Mais, à moins d'être entré dans la prison de San Quentin, en 1962 notamment, vous n'avez aucune chance d'avoir entendu ce band. Il n'existe en effet aucun enregistrement puisque "les prisonniers n'avaient pas droit aux appareils d'enregistrement. Les gardiens avaient d'autres chats à fouetter. Les familles de détenus [...] avaient d'autres préoccupations que de garder pour la postérité la trace de ce jazz éphémère".
C'est néanmoins l'histoire de cette formation que Pierre Briançon a entrepris dans San Quentin Jazz Band. On y suit, à travers le San Quentin News, bi-mensuel rédigé par les détenus, et les témoignages, oraux et écrits, des anciens détenus, le répertoire, les prises de chorus, les tensions raciales (on dirait aujourd'hui communautaristes) et jusqu'à l'ambiance puisque, selon Malcolm Braly, "tout le monde [il faut entendre tous les détenus] voulait être musicien".
Le livre de Pierre Briançon dépeint une vie musicale extrêmement riche, l'importance de la drogue dans le milieu jazzisitique d'alors, l'influence de Charlie Parker semble, à cet égard, déterminante (accéder à son univers musical suppose, pour de nombreux musiciens, de passer par la drogue). On y découvre encore que de nombreux musiciens n'ont eu de carrière, maintenant notable, que dans les murs de la prison, à l'instar du contrebassiste Franck Washington.
364 pages après, on se dit que le livre de Pierre Briançon est carrément approprié pour la table ronde de cette année qui aura pour thème, "À propos du jazz et de ses écrits" et ça tombe rudement bien puisque l'auteur viendra débattre.