Il est mal vu de dire « je suis schizophrène ». A présent, on préfère dire « je souffre de schizophrénie », j’ai une schizophrénie », « personne avec schizophrénie ».
On nous a trop longtemps réduit à notre maladie, c’est vrai. Pour autant, la schizophrénie ne fait-elle pas partie de nous?
Quand je dis « je suis libraire », ça n’englobe pas tout ce que je suis. Mais c’est une partie de ce que je suis. Je ne me réduis pas à ça, mais je le suis bel et bien.
Je considère la schizophrénie de la même façon. Cette maladie n’est certainement pas tout ce que je suis, loin de là. Mais elle m’a façonnée, je ne peux pas le nier. Sans elle, ma vie aurait été différente. Elle a changé mon rapport au monde, aux autres, à moi-même, radicalement et pendant des années, les années où je devais construire ma vie d’adulte.
Aujourd’hui, je vais mieux. Ma dernière rechute remonte à quatre ans, je n’ai plus de symptômes. Pourtant, je pense encore à cette maladie tous les jours, et pas seulement parce que je dois prendre des médicaments tous les matins ou parce qu’elle hante mes cauchemars, mais parce qu’elle a changé ma façon d’être à jamais.
C’est pour ça que je préfère dire « je suis schizophrène » à « j’ai une schizophrénie ». Il n’est pas question de me complaire dans une identité de malade, de me réduire à une maladie, mais simplement de considérer cette partie de moi comme tout aussi importante que tous les autres adjectifs que j’accole derrière « je suis ».